Page 32 - Les fables de Lafontaine
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28         LES FABLES DE LA FONTAINE
           Abstemius, bibliothécaire du duc d’Urbin, en publie cent. Les
           humanistes aimaient ces nombres carrés et les soulignaient dans
           leurs titres : V Hécatomythion d’Abstemius est une des sources de
           La Fontaine. Deux Florentins, Agnolo Firenzuola et Doni adaptent
           en italien les fables issues du Pantcha-Tantra et leurs adaptations
           seront, à leur tour, adaptées en français par Gabriel Cattier,
           en 1556, et par Pierre Larivey, en 1579.
             L’humanisme allemand est représenté dans la fable par Joachim
           Liebhard, savant professeur, qui signait Camerarius ; il a publié
           à Leipzig des Fabulce Æsopicce où La Fontaine a puisé. En Suisse,
           Gilbert Cousin, qui signait Cognatus, publie un recueil de fables
           intitulé Narrationum Silva, à Bâle, en 1567. Autre source de
           La Fontaine.
             Cependant, en Italie, la fable passe d’Abstemius aux mains de
           son compatriote Faerne, de Crémone, dont on publie, en 1564,
           le recueil posthume : Cent fables latines. Fidèle à ce nombre
           fatidique de cent, Verdi zotti publie, de son côté, Cent fables
           morales, mais en italien. Tous les deux sont des sources de La
           Fontaine.
             En France, le premier humaniste à mettre la fable antique en
           circulation fut un moine augustin de Lyon, nommé Julien Machaut ;
           il est suivi par Guillaume Tardif, auvergnat, lecteur du roi
           Charles VIII, qui, vers 1491, traduit en français les « Apologues de
           Laurens Valle » : traduction libre, où la sécheresse du modèle grec
           glisse tout doucettement vers le bavardage. Le Parisien Gerbel
           publie, en 1535, Æsopi Phrygii Vita et Fabulce, où l’on trouve,
           pêle-mêle avec les fables ésopiques, celles d’Avianus, d’Abstemius
           et des récits de Pline, d’Aulu-Gelle et même d’Erasme. Source
           de La Fontaine. En 1542, Gilles-Corrozet, autre Parisien, huma­
           niste, imprimeur, libraire et poète, publie les Fables du très ancien
           Esope, Phrygien, en vers français, ouvrage dédié au fils de Fran­
           çois Ier, le dauphin Henri, le futur Henri II ; Corrozet est peut-être
           un peu plus qu’une source de La Fontaine, car il est le premier
           à avoir usé, pour la fable, d’un mélange très varié de rythmes qui
           suggère le vers libre : sonnets, terza rima, quatrains, stances,
           vers de 4, 5, 6, 7, 8, 12 syllabes.
             Un avocat d’Issoudun, qui se dit « Poète du roi Henri II »,
           écrivit quelques fables en vers français. Il s’appelait François
           Habert ; quelques érudits lui contestent la paternité de son œuvre
           pour l’attribuer à Guillaume Guéroult.
             Maître Guillaume Haudent, prêtre de Rouen, publie, en 1547,
           Trois cent soixante et six apologues d’Esope, très excellent philosophe,
           en rythme français, c’est-à-dire en vers. En réalité, il traduit, non
           pas Esope, mais le latin des Italiens Ranutius, Valla et autres.
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