Page 320 - Les fables de Lafontaine
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FABLES. — LIVRE HUITIÈME
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Elle va la répandre en plus de dix endroits.
Au lieu d’un œuf, elle en dit trois.
Ce n’est pas encor * tout, car une autre commère 30
En dit quatre, et raconte à l’oreille le fait.
Précaution peu nécessaire,
Car ce n’était plus un secret.
Comme le nombre d’œufs, grâce à la Renommée *,
De bouche en bouche allait croissant, 35
Avant la fin de la journée
Ils se montaient à plus d’un cent.
Exercice complémentaire. — Tirez, de cette fable, une morale
sur la ligne de conduite à tenir concernant les secrets.
I. — LE CHIEN QUI PORTE A SON COU
LE DINER DE SON MAITRE
Sources. — Jacques Régnier. La Fontaine a pu, en outre,
imiter la fable sur le même sujet, d’un certain Puget, de Lyon,
que, d’après Brossette, le fabuliste avait rencontré dans cette
ville, chez un banquier de ses amis (lettre de Brossette à Boileau,
du 26 décembre 1706). Dans ce cas, la ville décrite dans les vers
30-40 serait Lyon.
Intérêt. — Fable satirique ; le récit ne va pas sans quelque
gaucherie ni la morale finale sans lourdeur.
Nous n’avons pas les yeux à l’épreuve * des belles *
Ni les mains à celle de l’or.
Peu de gens gardent un trésor
Avec des soins assez fidèles.
Certain * Chien, qui portait la pitance * au logis, 5
S’était fait un collier du dîner de son maître1.
Il était tempérant plus qu’il n’eût voulu l’être
Quand il voyait un mets exquis,
1. Il faut comprendre qu’il portait le dîner de son maître dans un
panier dont il avait passé l’anse à son cou, comme un collier.