Page 316 - Les fables de Lafontaine
P. 316

3io         FABLES. — LIVRE HUITIÈME

               J’y consens. Mais que l’Angleterre
        Veuille que nbs deux rois se lassent d’être amis3,   15
               J’ai peine à digérer * la chose.
        N’est-il point encor * temps que Louis se repose ?
        Quel autre Hercule * enfin ne se trouverait las
        De combattre cette hydre * ? et faut-il qu’elle oppose
        Une nouvelle tête aux efforts de son bras 4 ?   -   20
               Si votre esprit, plein de souplesse,
               Par éloquence et par adresse *,
        Peut adoucir les cœurs et détourner ce coup,
        Je vous sacrifierai cent moutons 5, c’est beaucoup
               Pour un habitant du Parnasse *.        25
               Cependant, faites-moi la grâce
               De prendre en don ce peu d’encens *.
               Prenez en gré * les vœux ardents
        Et le récit en vers qu’ici je vous dédie.
        Son sujet vous convient 6 ; je n’en dirai pas plus.   30
               Sur les éloges que l’Envie *
               Doit avouer qui 7 sont dus,
               Vous ne voulez pas qu’on appuie.
        Dans Athène 8, autrefois, peuple 9 vain et léger,
                  ,
        Un orateur10 * voyant sa patrie en danger,    35
        Courut à la tribune, et, d’un art * tyrannique,
       Voulant forcer les cœurs dans une république *,
        Il parla fortement sur le commun salut.
        On ne l’écoutait pas. L’orateur recourut
               A ces figures violentes                40
       Qui savent exciter les âmes les plus lentesu.

         3. Le roi Charles II était favorable à la France, malgré l’hostilité du
       Parlement. — 4. Il s’agit de l’hydre de la coalition, et la nouvelle tête
       serait l’Angleterre. — 5. On a voulu voir, dans ce vers, une allusion à
       la gourmandise célèbre de Barillon ; c’est au moins discutable. —
       6. Parce qu’il s’agit d’une orateur, Démade, qui conduit les affaires du
       peuple fort sérieusement, tout comme l’ambassadeur Barillon. —
       7.  Double relatif, 29, i. — 8. Athène, licence poétique pour Athènes.
       — 9. Peuple est apposition à l’idée à.' Athéniens contenue dans Athènes.
       Syllepse, 24, j. — 10. Dans la fable ésopique, cet orateur est nommé,
       c’est Démade, un contemporain .et un ennemi de Démosthène (ive siècle
       av. J.-C.). — 11. Les plus lentes (à s’émouvoir).
   311   312   313   314   315   316   317   318   319   320   321