Page 314 - Les fables de Lafontaine
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308 FABLES. — LIVRE HUITIÈME
Manda des médecins ; il en est de tous * arts *. 5
Médecins au Lion viennent de toutes parts ;
De tous côtés lui vient1 des donneurs de recettes *.
Dans les visites qui sont faites,
Le Renard se dispense *, et se tient clos * et coi.
Le Loup en fait sa cour *, daube * au coucher * du roi 10
Son camarade absent. Le Prince *, tout à l’heure *,
Veut qu’on aille enfumer Renard dans sa demeure,
Qu’on le fasse venir. Il vient, est présenté,
Et, sachant que le Loup lui faisait cette affaire * :
— « Je crains, Sire, dit-il, qu’un rapport peu sincère .15
Ne m’ait à mépris imputé
D’avoir différé cet hommage * ;
Mais j’étais en pèlerinage
Et m’acquittais d’un vœu fait pour votre santé.
Même, j’ai vu dans mon voyage 20
Gens experts et savants, leur ai dit la langueur
Dont Votre Majesté craint à bon droit la suite :
Vous ne manquez que de chaleur ;
Le long âge, en vous, l’a détruite *.
D’un loup écorché vif appliquez-vous la peau 25
Toute chaude et toute fumante.
Le secret * sans doutç en est beau
Pour la nature * défaillante.
Messire * Loup vous servira,
S’il vous plaît, de robe de chambre. » 30
Le roi goûte cet avis-là :
On écorche, on taille, on démembre
Messire Loup. Le monarque en soupa *
Et de sa peau s’enveloppa.
Messieurs les Courtisans, cessez de vous détruire * ; 35
Faites, si vous pouvez, votre cour * sans vous nuire.
Le mal se rend, chez vous, au quadruple du bien.
Les daubeurs * ont leur tour, d’une ou d’autre manière :
Vous êtes dans une carrière
Où l’on ne se pardonne rien. 40
1. Làï vient, impersonnel : il lui vient.