Page 309 - Les fables de Lafontaine
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LIVRE HUITIÈME
1. — LE MORT ET LE MOURANT
Sources. — Abstémius ; Corrozet ; Haudent. Le même sujet
est traité aux vers 965 et suivants du livre III du De Natura
Rerum de Lucrèce.
Intérêt. — Cette fable est à rapprocher de I, 16, la Mort et le
Bûcheron, dont elle est, en quelque sorte le complément, mais
dans un tout autre ton. Au portrait désolé du Bûcheron, si saisis
sant dans sa sombre brièveté, succèdent ici trois développements
assez amples : 1. sur l’universalité de la mort ; 2. sur l’opportunité
de la mort au terme de la vieillesse ; 3. enfin, sur l’exemple d’intré
pidité devant la mort, donné par bien des jeunes gens aux vieil
lards eux-mêmes. La comparaison des deux fables fera ressortir
clairement tout ce qui sépare la fable ornée de la fable variée.
Malgré l’esquisse de récit qui prépare le discours de la Mort,
nous avons affaire, ici, moins à une fable proprement dite, qu’à
un développement moral, de ton oratoire, de couleur poétique
et allégorique.
La Mort ne surprend point le sage * :
Il est toujours prêt à partir,
S’étant su lui-même avertir
Du temps où l’on se doit résoudre à ce passage x.
Ce temps, hélas! embrasse tous les temps : 5
2
Qu’on le partage en jours, en heures, en moments 1,
Il n’en est point qu’il ne comprenne
Dans le fatal * tribut ; tous 3 sont de son domaine,
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent Jes yeux à la lumière 10
1. Se résoudre, complément de l’infinitif, 29, d. — 2. Gradation,
23, r. — 3. Tous les temps et, par suite, tous les âges, comme le
montre la suite.