Page 304 - Les fables de Lafontaine
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2g&         FABLES. — LIVRE SEPTIÈME



           16.  — LA TÊTE ET LA QUEUE DU SERPENT

         Sources. — Ésope ; Plutarque.
         Intérêt. — Allégorie politique, dans le goût de III, 2 : les Membres
       et l'Estomac et de I, 12, le Dragon à plusieurs têtes et le Dragon
       à plusieurs queues. La ressemblance des symboles est évidente
       dans cette dernière fable et celle qui nous occupe ici. L’étrangeté
       du sujet semble soulignée par la bizarrerie du rythme qui fait boiter
       ensemble le vers de sept syllabes et l’alexandrin.

               Le Serpent a deux parties
               Du genre humain ennemies 1 :
              Tête et queue. Et toutes deux
               Ont acquis un nom * fameux
              Auprès des Parques * cruelles,           5
              Si bien qu’autrefois, entre elles,
              Il survint de grands débats
                        Pour le pas *.
       La tête avait toujours marché devant la queue.
              La queue au Ciel se plaignit            10
                        Et lui dit :
              — « Je fais mainte et mainte lieue
              Comme il plaît à celle-ci.
       Croit-elle que toujours j’en veuille user* ainsi?
               Je suis son humble servante *.         15
              On m’a faite, Dieu merci,
              Sa sœur, et non sa suivante *.
              Toutes deux de même sang2,
              Traitez-nous de même sorte :
              Aussi bien qu’elle je porte             20
              Un poison prompt et'puissant *.


         1. Un préjugé antique voulait que la quèue du serpent fut venimeuse,
       d’où le proverbe : In cauda venenum. En réalité, ceux des serpents qui
       sont venimeux n’ont de venin que dans la gueule. — 2. Toutes deux...
       se rapporte à nous, complément de traitez.
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