Page 302 - Les fables de Lafontaine
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298         FABLES. — LIVRE SEPTIÈME



             16. — LA TÊTE ET LA QUEUE DU SERPENT


          Sources. — Ésope ; Plutarque.
          Intérêt. — Allégorie politique, dans le goût de III, 2 : les Membres
         et rEstomac et de I, 12, le Dragon à plusieurs têtes et le Dragon
         à plusieurs queues. La ressemblance des symboles est évidente
         dans cette dernière fable et celle qui nous occupe ici. L’étrangeté
         du sujet semble soulignée par la bizarrerie du rythme qui fait boiter
         ensemble le vers de sept syllabes et l’alexandrin.

                Le Serpent a deux parties
                Du genre humain ennemies 1 :
                Tête et queue. Et toutes deux
                Ont acquis un nom * fameux       •
                Auprès des Parques * cruelles,          5
                Si bien qu’autrefois, entre elles,  >
                Il survint de grands débats
                         Pour le pas *.
         La tête avait toujours marché devant la queue.
                La queue au Ciel se plaignit           10
                         Et lui dit :
                — « Je fais mainte et mainte lieue
                Comme il plaît à celle-ci.
         Croit-elle que toujours j’en veuille user * ainsi ?
                Je suis son humble servante *.         15
                On m’a faite, Dieu merci,
                Sa sœur, et non sa suivante *.
                Toutes deux de même sang2,
                Traitez-nous de même sorte :
                Aussi bien qu’elle je porte            20
                Un poison prompt et' puissant *.


          1. Un préjugé antique voulait que la queue du serpent fut venimeuse,
        d’où le proverbe : In cauda venenum. En réalité, ceux des serpents qui
        sont venimeux n’ont de venin que dans la gueule. — 2. Toutes deux...
        se rapporte à nous, complément de traitez.
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