Page 297 - Les fables de Lafontaine
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LES DEVINERESSES 293
Un troisième au port arrivant,
Rien n’eut cours ni débit *. Le luxe et la folie
N’étaient plus tels qu’auparavant. 30
Enfin, ses facteurs * le trompant
Et lui-même ayant fait grand fracas *, chère * lie,
Mis beaucoup 6 en plaisirs, en bâtiments beaucoup,
Il devint pauvre tout d’un coup.
Son ami, le voyant en mauvais équipage *, 35
Lui dit : « D’où vient cela? — De la Fortune, hélas!
— Consolez-vous, dit l’autre, et, s’il ne lui plaît pas
Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage *. »
Je ne sais s’il crut ce conseil ;
Mais je sais que chacun impute, en cas pareil, 40
Son bonheur * à son industrie *.,
Et si, de quelque échec, notre faute est suivie,
Nous disons injures au Sort *.
Chose * n’est, ici 7, plus commune * :
Le bien, nous le faisons ; le mal, c’est la Fortune. 45
On a toujours raison, le destin *, toujours tort 8.
Exercice complémentaire. — En vous fondant sur cette fable
et les deux précédentes, décrivez la conduite mutuelle des hommes et
de la Fortune.
14. — LES DEVINERESSES
Source. — L'actualité. Les devineresses avaient alors une vogue
qui se révéla tragiquement lors de l’Affaire des Poisons (1675-
1680): Nos cartomanciennes, médiums, fakirs, etc., leur ont suc
cédé, et cette fable n’a pas perdu son actualité.
Intérêt. — Cette fable n’est pas même un conte : c’est un simple
fait divers de la vie parisienne, commenté pour mettre en lumière
6. Beaucoup (d’argent). — 7. Ici (-bas), parmi les hommes. ■—
8. Cette morale reprend assez exactement la morale de la fable 11 du
livre V.
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