Page 311 - Les fables de Lafontaine
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LE SAVETIER ET LE FINANCIER         3°5

     Pour toi, l’astre du jour prend des soins superflus.
     Tu regrettes des biens qui ne te touchent * plus.
             Je t’ai fait voir tes camarades        45
             Ou morts, ou mourants, ou malades :
     Qu’est-ce que tout cela, qu *’un avertissement ?
             Allons, vieillard, et sans réplique!
             I) n’importe à la république *
             Que tu fasses ton testament. »         50

     La Mort avait raison. Je voudrais qu’à cet âge
     On sortît de la vie ainsi que d’un banquet,
     Remerciant son hôte, et qu’on fît son paquet * :
     Car, de combien peut-on retarder le voyage ?
     Tu murmures, vieillard? vois ces jeunes mourir,   55
             Vois-les marcher, vois-les courir
     A des morts, il est vrai, glorieuses et belles,
     Mais sûres cependant, et, quelquefois, cruelles.
     J’ai beau te le crier, mon zèle est indiscret *.
     Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret. 60

       Exercice complémentaire. — Développez à votre façon les dix
     vers de la' morale.



            2.  — LE SAVETIER ET LE FINANCIER

       Sources. — BonaventuredesPériejs, Nouvelles,'Ü.Ï'X.. Le même
     sujet est traité par Horace, Épître VII du livre I.
       Intérêt. — Conte réaliste ; le portrait du Savetier, ses propos,
     ses émotions, sont exposés avec une vérité, une aisance, une
     bonne humeur qui font, de cette fable, un parfait chef-d’œuvre;
     à mettre sur la même ligne, pour la vivacité enjouée, que la Lai­
     tière et le Pot qu lait (VII, 9).

      Un Savetier chantait du matin jusqu’au soir :
             C’était merveille de l’ouïr,
      Merveille de le voir ; il faisait des passages *,
             Plus content qu’aucun des Sept Sages *.
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