Page 237 - Les fables de Lafontaine
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LIVRE SIXIÈME
1. — LE PATRE ET LE LION
2. — LE LION ET LE CHASSEUR
Sources. — I- Ésope ; Faërne ; Haudent ; Meslier.
II. Gabrias.
Intérêt. — C’est le prologue du livre VI. La Fontaine veut
montrer que la masse des contes destinés à illustrer la morale
dans les fables forme une sorte de fonds commun que les Anciens
ont développé à leur manière, qui était brève et sèche, et qu’il
reprend à sa mode, qui est ornée. Les deux variations sur le même
sujet qui suivent sont destinées à illustrer cette thèse. Les affirma
tions historiques de La Fontaine prêtent à la contestation ; il
exagère beaucoup l’importance littéraire des fabulistes anciens,
beaucoup aussi la brièveté d’Ésope et celle de Phèdre. En revanche,
il indique avec discrétion mais très justement son originalité
personnelle, qui consiste à enrichir le canevas fourni par la tra
dition, de traits tantôt pittoresques, tantôt dramatiques, qui sont
des ornements de son invention. Il est le créateur de la fable ornée.
Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être :
Le plus simple animal nous y tient lieu de maître * ;
Une morale nue * apporte de l’ennui,
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte *, il faut instruire et plaire *, 5
Et conter pour conter me semble peu d’affaire *.
C’est par cette raison qu’égayant * leur esprit
Nombre de gens fameux1 en ce genre ont écrit.
Tous ont fui l’ornement et le trop d’étendue.
On ne voit point chez eux de parole perdue. 10
1. En réalité, les fabulistes antérieurs à La Fontaine sont gens obscurs,
à part Ésope et Phèdre ; encore ceux-ci ne sont-ils pas eux-mêmes de la
première volée.