Page 234 - Les fables de Lafontaine
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FABLES. — LIVRE CINQUIÈME
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L’Éléphant devait, sur son dos, 5
Porter l’attirail nécessaire
Et combattre à son ordinaire ;
L’Ours, s’apprêter pour les assauts ;
Le Renard, ménager de secrètes pratiques *,
Et le Singe, amuser * l’ennemi par ses tours. io
— « Renvoyez, dit quelqu’un *, les ânes qui sont lourds
Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques.
— Point du tout, dit le roi, je les1 veux employer.
Notre troupe2, sans eux, ne serait pas complète.
L’Ane effraiera les gens, nous servant 3 de trompette *, 15
Et le Lièvre pourra nous servir de courrier. »
Le monarque prudent et sage *
De ses moindres sùjets sait tirer quelque usage *,
Et connaît les divers talents 4.
Il n’est rien d’inutile aux personnes de sens *. 20
Exercice complémentaire. — Décrivez la mobilisation des ani
maux.
20. — L’OURS ET LES DEUX COMPAGNONS
Sources. — Ésope ; Avianus ; Abstémius ; Corrozet ; Haudent.
Au chapitre III du livre IV de ses Mémoires, Commines fait
conter cette fable par l’empereur Frédéric aux ambassadeurs
de Louis XI, qui incitaient l’empereur à s’emparer des terres du
duc de Bourgogne.
Intérêt. — Cette fable est une merveille de narration pittoresque
et comique : les sentiments, les calculs, les attitudes des divers
acteurs sont notés avec une précision admirable et le mouvement
de la composition est parfait. C’est un chef-d’œuvre de la fable
ornée.
1. Complément de l’infinitif, 29, d. — 2. Notre troupe : notre
armée. — 3. Nous servant, en nous servant, gérondif. — 4. Les divers
talents de ses sujets.