Page 225 - Les fables de Lafontaine
P. 225
LA FORTUNE ET LE JEUNE ENFANT 221
Six ans plus tard, Boileau rappelle l’épigramme de La Fontaine
en la reprenant en sens inverse :
N’allez pas dès l’abord, sur Pégase monté,
Crier à vos lecteurs, d’une voix de tonnerre :
— « Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. »
Que produira l’auteur, après tous ces grands cris ?
La montagne en travail accouche une souris.
(Art poétique, III, 270-274.)
Une Montagne, en mal d’enfant,
Jetait une clameur si haute *
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu’elle accoucherait sans faute
D’une cité plus grosse que Paris. 5
Elle accoucha d’une souris.
Quand je songe à cette fable
Dont le récit est menteur *
Et le sens est véritable,
Je me figure un auteur :o
Qui dit : « Je chanterai la guerre
Que firent les Titans * au Maître du tonnerre1. »
C’est promettre beaucoup, mais qu’en sort-il souvent ?
Du vent.
Exercice complémentaire. — Dégagez clairement la règle litté
raire impliquée dans les textes ci-dessus.
11. — LA FORTUNE ET LE JEUNE ENFANT
Sources. — Ésope ; Corrozet ; Haudent. Cf. Mathurin Régnier,
Satire XIV.
Intérêt. — Cette fable illustre un lieu commun de morale,
assez banal, surtout dans l’antiquité. Malgré le pittoresque du
début, La Fontaine n’a pas renouvelé le sujet.
1. Jupiter, périphrase, 24, d.