Page 223 - Les fables de Lafontaine
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LE LABOUREUR ET SES ENFANTS 219
Se dit écolier d’Hippocrate *,
Qu’il2 connaît les vertus * et les propriétés
De tous les simples * de ces prés,
Qu’il sait guérir, sans qu’il se flatte, 15
Toutes sortes de maux ; si Dom * Coursier voulait
Ne point celer sa maladie,
Lui, Loup, gratis le guérirait.
Car, le voir en cette prairie
Paître ainsi, sans être lié, 20
Témoignait quelque mal, selon la médecine 3.
— « J’ai, dit la bête chevaline,
Une apostume * sous le pied.
— Mon fils, dit le Docteur, il n’est point de partie
Susceptible de tant de maux. 25
J’ai l’honneur de servir Nos Seigneurs les Chevaux
Et fais aussi la chirurgie. »
Mon galant * ne songeait qu’à bien prendre son temps *
Afin de happer * son malade.
L’autre, qui s’en doutait, lui lâche une ruade 30
Qui vous 4 lui met en marmelade
Les mandibules * et les dents.
— « C’est bien fait, dit le Loup en soi-même, fort triste ;
Chacun à son métier doit toujours s’attacher.
Tu veux faire ici l’arboriste * 35
Et ne fus jamais que boucher. »
Exercice complémentaire. — Dites quels sont les sentiments et
les pensées du Cheval pendant toute cette scène.
9. — LE LABOUREUR ET SES ENFANTS
Sources. —Ésope; Faërne ; Corrozet ; Haudent; Meslier.
Intérêt. — Type de la fable didactique, tout entière tournée
vers la morale qu’elle illustre et qui se trouve, par surcroît de
précaution, exprimée sous deux formes différentes, en tête et à
la fin. Par exception, La Fontaine suit Ésope d’assez près.
2. Anacoluthe, 23, f. — 3. Style indirect, 29, z. -— 4. Datif éthique, 29, f.