Page 203 - Les fables de Lafontaine
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LE VIEILLARD ET SES ENFANTS 199
18. — LE VIEILLARD ET SES ENFANTS
Sources. — Ésope ; Corrozet ; Haudent. Plutarque rapporte le
même trait dans son livre « Du besoin de bavarder », et l’attribue
à un Scythe, le roi Scylure.
Intérêt. — Fable morale ; le récit en est assez lourd, le pit
toresque manque absolument ou presque et, par une exception
très rare chez La Fontaine, le vocabulaire est abstrait et noble,
c’est-à-dire vague. L’emploi continu de l’alexandrin ajoute à la
lourdeur.
Toute puissance est faible, à moins que * d’être unie.
Écoutez là-dessus * l’Esclave de Phrygie1.
Si j’ajoute du mien à son invention *,
C’est pour peindre nos mœurs, et non point par envie2.
Je suis trop au-dessous de cette ambition. 5
Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire * ;
Pour moi, de tels pensers * me seraient malséants.
Mais venons à la fable, ou, plutôt, à l’histoire
De celui qui tâcha d’unir tous ses enfants.
Un vieillard près d’aller où la mort l’appelait3 : 10
— « Mes chers enfants, dit-il (à ses fils il parlait),
Voyez si vous romprez ces dards * liés ensemble ;
Je vous expliquerai le nœud qui les assemble. »
L’aîné les ayant pris et fait 4 tous ses efforts,
Les rendit en disant : « Je le 5 donne aux plus forts. » 15
Un second lui succède et se met en posture ®,
Mais en vain. Un cadet tente aussi l’aventure.
Tous perdirent leur temps, le faisceau résista ;
De ces dards joints ensemble, un seul ne s’éclata 7.
— « Faibles gens, dit le père, il faut que je vous montre 20
Ce que ma force peut en semblable rencontre *. »
1. Ésope. ■— 2. Envie (de l’égaler) : émulation. — 3. Périphrase
noble, pour mourir. — 4. (Ayant) fait. — 5. Le : le soin de rompre
les dards. — 6. En posture pour rompre les dards. — 7. Un seul ne,
négation, 29, k ; s’éclata : se brisa en éclats.