Page 198 - Les fables de Lafontaine
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i94.       FABLES. — LIVRE QUATRIÈME


        13.  — LE CHEVAL S’ÉTANT VOULU VENGER DU CERF

          Sources. — Phèdre ; Haudent. Cette fable est citée par Horace
         dans sa 4e Épître du livre I, et dans la Satire Ménippée (harangue
         de d’Aubray). Aristote la cite d’après Stésichore dans sa Rhéto­
         rique.
          Intérêt. — Fable dramatique et pittoresque, dans laquelle la
         Fontaine a indu une petite épopée du cheval, à la gloire de la
         liberté.

         De tout temps les chevaux ne sont nés1 pour les hommes.
         Lorsque le genre humain de glands se contentait2,   •
        Ane, cheval et mule aux * forêts habitait 3,
         Et l’on ne voyait point, comme au siècle où nous sommes,
                Tant de selles et tant de bâts *,       5
               \Tant de harnais pour les combats,
                Tant de chaises *, tant de carrosses,
                Comme aussi ne voyait-on pas
                Tant de festins et tant de noces.
            Or, un Cheval eut * alors différend        10
                Avec un Cerf plein de vitesse,
            Et, ne pouvant l’attraper en courant,
        Il eut recours à l’Homme, implora son adresse *.
        L’Homme lui mit un frein *, lui sauta sur le dos,
                Ne lui donna point de repos            15
        Que * le Cerf ne fût pris et n’y laissât la vie.
            Et, cela fait, le Cheval remercie
        L’Homme, son bienfaiteur, disant i « Je suis à vous4,
        Adieu ; je m’en retourne en mon séjour sauvage *.
        — Non pas cela, dit l’Homme, il fait meilleur chez nous ; 20
                Je vois trop quel est totre usage *.
            Demeurez donc, vous serez bien traité,
                Et jusqu’au ventre en la litière. »
          1. Négation, 29, k. — 2. C’est-à-dire dans l’âge d’or de la simplicité
        primitive, avant l’agriculture. Souvenir probable de Virgile, Géorgiques.
        —• 3. Accord, 29, a. — 4. Formule banale : serviteurl équivalant à :
        Au revoir et merci.
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