Page 201 - Les fables de Lafontaine
P. 201
le loup, la mère et l’enfant 197
Chez les loups comme on sait, rarement en usage.)
Celui-ci, fort surpris d’entendre ce langage,
Comme il était venu, s’en retourna chez soi.
Où serait le Biquet, s’il eût ajouté foi 25
Au mot du guet que, de fortune,
Notre Loup avait entendu?
Deux sûretés valent mieux qu’une,
Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
Le Loup me remet en mémoire
Un de ses compagnons qui fut encor * mieux pris.
Il y périt. Voici l’histoire :
Un Villageois avait à l’écart son logis.
Messer * Loup attendait chape-chute * à la porte. 5
Il avait vu sortir gibier de toute sorte :
Veaux de lait, agneaux et brebis,
Régiments de dindons, enfin bonne provende *.
Le larron commençait pourtant à s’ennuyer.
Il entend un enfant crier. 10
La mère aussitôt le gourmande,
Le menace, s’il ne se tait,
De le donner au loup! L’animal se tient prêt,
Remerciant les dieux d’une telle aventure *,
Quand la mère, apaisant sa chère géniture *, 15
Lui dit : « Ne criez point! s’il vient, nous le tuerons.
—‘ Qu’est-ce * ci ? s’écria le mangeur de moutons.
Dire d’un, puis d’un autre 3 ? est-ce ainsi que l’on traite
Les gens faits comme moi ? Me prend-on pour un sot ?
Que quelque jour, ce beau * marmot 20
Vienne au bois cueillir la noisette!... »
Comme il disait ces mots, on sort de la maison.
Un chien de cour * l’arrête. Épieux * et fourches fières *
L’ajustent * de toutes manières.
— « Que veniez-vous chercher en ce lieu ? » lui dit-on. 25
Aussitôt il conta l’affaire.
— « Merci * de moi ! lui dit la mère,
3. Dire une chose, puis le contraire.