Page 197 - Les fables de Lafontaine
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TRIBUT ENVOYÉ PAR LES ANIMAUX A ALEXANDRE 193
Et, malgré le héros de Jupiter issu 4,
Faisant chère * et vivant sur la bourse publique.
Ils arrivèrent dans un pré 50
Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré,
Où maint mouton cherchait sa vie,
Séjour du frais, véritable patrie
Des Zéphyrs *. Le Lion n’y fut pas qu’ *à ces gens
Il se plaignit d’être malade. 55
— « Continuez votre ambassade,
Dit-il, je sens un feu qui me brûle au-dedans
Et veux chercher ici quelque herbe salutaire.
Pour vous, ne perdez point de temps.
Rendez-moi mon argent, j’en puis avoir affaire *. » 60
• On déballe ; et d’abord * le Lion s’écria
D’un ton qui témoignait sa joie :
— « Que de filles, ô dieux, mes pièces de monnaie 5 *
Ont produites! Voyez : la plupart sont déjà
Aussi grandes que leurs mères! 65
Le croît * m’en appartient. » Il prit tout, là-dessus ;
Ou bien, s’il ne prit tout, il n’en demeura guères *.
Le Singe et les sommiers *, confus,
Sans oser répliquer, en chemin se remirent.
Au fils de Jupiter on dit qu’ils se plaignirent 70
Et n’en eurent point de raison *.
Qu’eût-il fait? c’eût été Lion contre Lion,
Et le proverbe dit : Corsaires * à * corsaires,
L’un l’autre s’attaquant, ne font point leurs affaires 8.
Exercice complémentaire. — Rédigez la plainte des animaux
contre le Lion devant Alexandre, et la réponse du roi.
4. Alexandre, périphrase, 24, d. — 5. Monnaie et joie, rimes en -ouè,
27, g. — 6. C’est un proverbe espagnol, déjà cité par Mathurin Régnier
dans les mêmes termes, satire XII.