Page 192 - Les fables de Lafontaine
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i88 FABLES. — LIVRE QUATRIÈME
Un Paon muait ; un geai prit son plumage,
Puis, après, se l’accommoda * ;
Puis, parmi d’autres paons, tout fier, se panada *,
Croyant être un beau personnage.
Quelqu’un * le reconnut ; il se vit bafoué, 5
Berné *, sifflé, moqué *, joué1,
Et par Messieurs les Paons plumé d’étrange * sorte.
Même, vers ses pareils s’étant réfugié,
Il fut par eux mis à la porte.
Il est * assez de geais à deux pieds comme lui, 10
Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,
Et que l’on nomme plagiaires.
Je m’en tais, et ne veux leur causer nul ennui.
Ce ne sont pas là mes affaires2.
Exercice complémentaire. •— Qu’est-ce qu’un plagiaire ? dites
ce que vous pensez de cette espèce d’écrivains.
10. — LE CHAMEAU ET LES BATONS FLOTTANTS
Sources. — Ésope ; Haudent ; Meslier. La Fontaine a traduit
cette fable dans la Vie d’Ésope le Phrygien.
Intérêt. — Cette fable n’a rien d’une fable : elle a le mouvement
tout à fait libre et le ton de la satire antique à sujet moral. La
Fontaine excelle dans ce genre de « discours » à la fois familier
et malicieux, qui ressemble à une conversation à bâtons rompus.
C’est dans cette direction qu’il poussera, dans les fables variées
du deuxième recueil. Cette pièce est comme un essai en miniature
de fable variée.
,Le premier qui vit un chameau
S’enfuit à cet objet * nouveau ;
Le second approcha ; le troisième osa faire
Un licou pour le dromadaire.
1. Accumulation, 23, a. — 2. Réticence, 24, i.