Page 187 - Les fables de Lafontaine
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LE COMBAT DES RATS ET DES BELETTES 183
De leurs habitations 2, 5
L’animal à longue échine 3
En ferait, je m’imagine,
De grandes destructions.
Or, une certaine année
,
Qu’il en était à foison 4 * 10
Leur roi, nommé Ratapon,
Mit en campagne une armée.
Les Belettes, de leur part *,
Déployèrent l’étendard 8.
Si l’on croit la Renommée *, 15
La victoire balança 6.
Plus d’un guéret s’engraissa
Du sang de plus d’une bande *.
Mais la perte la plus grande
Tomba presque en tous * endroits 7 20
Sur le peuple * souriquois *.
Sa déroute fut entière,
Quoi que pût faire Artapax,
Psicarpax, Méridarpax 8,
Qui, tout couverts de poussière, 25
Soutinrent assez longtemps
Les efforts des combattants.
Leur résistance fut vaine :
Il fallut céder au sort *.
Chacun s’enfuit au plus fort *, 30
Tant soldat que capitaine.
Les princes périrent tous.
La racaille, dans des trous,
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail * ; 35
2. L’ouverture étroite des trous de souris. — 3. La Belette ; péri
phrase, 24, d. — 4. Il s’agit des rats. — 5. Le drapeau national ;
l’étendard des rois de France, ou oriflamme, déposé à Saint-Denis, n’était
déployé qu’en cas de péril national. C’était le signal d’une grande
guerre. — 6. Cette victoire qui balance, c’est le Mars artceps des Latins,
le combat dont l’issue est douteuse. —■ 7. Tous endroits : sur tous les
champs de bataille. — 8. Ces trois noms sont empruntés à la Batracho-
myomachie ; ils signifient : Voleur de pain, Voleur de miettes, Voleur
de morceaux.