Page 186 - Les fables de Lafontaine
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182        FABLES. — LIVRE QUATRIÈME

               Que fait-il? il donne la patte,
               Puis, aussitôt, il est baisé.
        S’il en faut faire autant afin que l’on me flatte *,
               Cela n’est pas bien malaisé. »
               Dans cette admirable pensée,            20
        Voyant son maître en * joie, il s’en vient lourdement,
               Lève une corne tout usée 3,
        La lui porte au menton fort amoureusement,
        Non sans accompagner, pour plus grand ornement,
        De son chant gracieux cette action hardie 4.   25
        — « Oh! oh! 5 quelle caresse et quelle mélodie!
        Dit le Maître aussitôt ; holà, Martin *-bâton! »
        Martin-bâton accourt, l’âne change de ton *.
               Ainsi finit la comédie.
         Exercice complémentaire. — Faites le portrait du lourdaud
        qui veut faire le gracieux dans un salon.




          6. —LE COMBAT DES RATS ET DES BELETTES

         Source*. — Ésope ; Phèdre.
         Intérêt. — Récit de bataille, comiquement imité des récits de
        l’épopée, notamment de l’Iliade. Nous sommes ici dans la tradi­
        tion du poème héroï-comique, venue de la Batrachomyomachie,
        attribuée à Homère, et non loin du burlesque qui, lui, descend
       jusqu’à la parodie (Virgile travestie, de Scarron, 1648). Le rythme
        sautillant du vers de sept syllabes souligne l’intention comique.

               La nation des Belettes *,
               Non plus que celle des Chats,
               Ne veut aucun bien1 aux Rats * ;
               Et, sans les portes étrètes *

         3. La corne de son sabot, usée par les marches. — 4. Ironie, 23, z. —
        5. Hiatus, 27, d.
         1. Litote, 24, a.
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