Page 191 - Les fables de Lafontaine
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LE GEAI PARÉ DES PLUMES DU PAON       187

       Bien plus, si pour un sou * d’orage *, en quelque endroit,
              S’amassait d’une ou d’autre sorte,
       L’homme en avait sa part et sa bourse en souffrait 3.
       La pitance * du dieu n’en était pas moins forte.
       A la fin, se fâchant de ne rien obtenir,       15
       Il vous 4 prend un levier, met en pièces l’idole,
       Le trouve rempli d’or : « Quand je t’ai fait du bien,
       M’as-tu valu, dit-il, seulement une obole * ?
       Va, sors de mon logis, cherche d’autres autels 5.
              Tu ressembles aux naturels              20
              Malheureux *, grossiers et stupides ;
       On n’en peut rien tirer qu’avecque * le bâton.
       Plus je te remplissais, plus mes mains étaient vides ;
              J’ai bien fait de changer de ton *. »
        Exercice complémentaire. — Montrez que l’idée directrice de
       cette fable répond au proverbe : « Oignez vilain *, il vous poindra ;
       poignez vilain, il vous oindra. »



          9.  — LE GEAI PARÉ DES PLUMES DU PAON
        Sources. — Phèdre ; Corrozet ; Haudent. Horace fait allusion
       à cette fable dans son Épître 3 du livre I, vers 18.
        Intérêt. — Dans Phèdre, l’oiseau qui se pare des plumes du
       paon est un choucas, ce qui est plus vraisemblable, le choucas
       ou petite corneille, ayant un plumage noir qui n’est pas dçs plus
       jolis. Le geai, au contraire, est assez bien habillé par la nature
       pour se passer de déguisement. La Fontaine a suivi Corrozet,
       qui fait la substitution du geai à la corneille.
        Cette fable est une épigramme dont la pointe * est tournée
       contre les plagiaires, c’est-à-dire les auteurs qui se font une répu­
       tation d’écrivains en donnant pour leurs les œuvres d’autrui
       copiées par eux. La réticence finale ajoute au comique : les pla­
       giaires n’ont peut-être pas de plume, mais ils ont bec et ongle?
       pour se défendre, et La Fontaine aime la paix.
        3. Endroit-soujfrait : rimes en -oué, 27, g. — 4. Datif éthique, 29, f.
       — 5. Il s’adresse, non à l’idole qui est en pièces, mais au dieu repré­
       senté par la statue.
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