Page 196 - Les fables de Lafontaine
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193 FABLES. — LIVRE QUATRIÈME
Quadrupèdes, humains, éléphants, vermisseaux, 10
La république * des oiseaux,
La déesse aux cent bouches, dis-je,
Ayant mis partout la terreur
En publiant l’édit du nouvel empereur *,
Les animaux et toute espèce lige * 15
De son seul appétit * crurent que, cette fois,
Il fallait subir d’autres lois.
On s’assemble au désert *. Tous quittent leur tanière *.
Après divers avis, on résout, on conclut
D’envoyer hommage * et tribut *. 20
Pour l’hommage et pour la manière2,
Le Singe en fut chargé : l’on lui mit par écrit
Ce que l’on voulait qui fût dit 3.
Le seul tribut les tint en peine :
Car que donner? il fallait de l’argent. 25
On en prit d’un prince * obligeant
Qui, possédant dans son domaine
Des mines d’or, fournit ce qu’on voulut.
Comme il fut question de porter ce tribut,
Le Mulet et l’Ane s’offrirent, 30
Assistés du Cheval ainsi que du Chameau.
Tout quatre en chemin ils se mirent
Avec le Singe, ambassadeur nouveau.
La caravane enfin * rencontre en un passage
Monseigneur le Lion. Cela ne leur plut point. 35
•—- « Nous nous rencontrons tout * à point,
Dit-il, et nous voici compagnons de voyage.
J’allais offrir mon fait * à part ;
Mais, bien qu’il soit léger, tout fardeau m’embarrasse.
Obligez-moi de me faire la grâce 40
Que * d’en porter chacun un quart.
Ce ne vous sera pas une charge trop grande ;
Et j’en serai plus libre et bien plus en état *,
En cas que les voleurs attaquent notre bande *
Et que l’on en vienne au combat. » 45
Éconduire un Lion rarement se pratique.
Le voilà donc admis, soulagé, bien reçu,
2. La manière d’exprimer cet hommage. — 3. Double relatif, 29, i.