Page 19 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION                  5

     Survinrent d’autres érudits qui prouvèrent que les quatre amis
     de Psyché étaient, avec La Fontaine, Chapelle, Maucroix et
     Pellisson ; mais d’autres survinrent encore qui prouvèrent que
     ce n’était pas possible ; et puis d’autres qui prouvèrent que les
     quatre amis n’étaient rien du tout. Tâchons de ne pas irriter les
     érudits, mais rien ne nous empêche de penser, loin d’eux, que
     La Fontaine, n’étant pas un historien, mais un poète, a fort bien
     pu inventer de toutes pièces la promenade symbolique à Ver­
     sailles et que les quatre amis de Psyché étaient bien, dans son
     esprit, ceux que nous désirons.          '
      Ces années 1664-1671 qui, dans la vie de La Fontaine, sont le
     temps du Luxembourg, marquent le zénith de sa carrière :
     en décembre 1664, il publie les Nouvelles en vers tirées de Boccace
    et de l’Arioste ; en décembre 1665, les Contes et Nouvelles en vers ;
    en mars 1668, enfin, le premier recueil des Fables. En janvier 1669,
    il publie les Amours de Psyché ; en décembre 1670, mais avec la
    date de 4671, son Recueil des Poésies chrétiennes et diverses ; enfin,
    en janvier 1671, la troisième partie des Contes.
      Arrêtons-nous sur cette date de 1671. La Fontaine a 50 ans.
    C’est l’année où il liquide sa maîtrise des eaux et forêts ; il va
    bientôt vendre au cousin Pintrel sa maison à tourelles de Château-
    Thierry ; il sort de son passé, il rentre dans sa gloire. L’ancien
    « palatin de la Table Ronde » a traversé le monde de Fouquet
    qui était bien plus une fin qu’un commencement ; le voici main­
    tenant dans la société symbolique des « quatre amis », prêt à
    retrouver avec eux La Rochefoucauld et Bossuet dans la Chambre
    du Sublime. Cette chambre du sublime n’était, à vrai dire, qu’un
    joujou de prince ; mais, pour les princes, tout est joujou, surtout
    le sublime ; elle était confectionnée en cire et en bois doré, et
    avait été offerte, en 1675, au jeune duc du Maine, qui avait 5 ans,
    par sa tante maternelle, Mme de Thianges. On y voyait, figurés
    au naturel, tous ceux que nous avons dit. La Fontaine apparais­
    sait seulement sur le seuil, mais Racine lui faisait signe d’entrer.
    Et, en effet, il y est entré.
      10.  LA GRANDE AMIE : Mme DE LA SABLIÈRE (1672-
    1680). — Le 3 avril 1672, la duchesse douairière d’Orléans
    mourut et « sa maison » avec elle.
      La Fontaine ne resté pas sur le pavé ; vingt amis puissants se
    seraient fait un plaisir de l’accueillir. Il choisit la maison de Mme de
    La Sablière, rue Neuve-des-Petits-Champs, puis rue Saint-Honoré,
    où il habita jusqu’à sa vieillesse, en 1693. On se rappelle qu’à
    partir de 1676, tous les liens seront coupés avec Château-Thierry.
      Mme de La Sablière était une des étoiles de première grandeur
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