Page 21 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION                 >7

     à 1680, La Fontaine glisse sans s’en apercevoir de la cinquantaine
     à la soixantaine, marquent une inclinaison à peine sensible, au moins
     extérieurement, vers la décadence morale qui a gâté ses dernières
     années. Mais, pour l’esprit et la production littéraire, ce sont des
     années de grande effervescence : il écrit un livret d’opéra pour Lulli :
     Daphné, mais il se brouille, comme tout le monde, avec l’impos­
     sible musicien, laisse son livret inachevé ; et lui, le moins vindi­
     catif des hommes, il exhale sa rancune dans une satire : le Florentin ;
     puis, bonhomme, il se laisse réconcilier jusqu’à écrire une dédi­
     cace en vers de VAmadis (1684). Il publie, en 1675, la quatrième
     partie des Contes, que le lieutenant de police, La Reynie, fait
     saisir en 1676, et qui n’en ont pas moins de succès. Surtout, il
     prépare le deuxième recueil de ses Fables, profondément marqué
     par l’influence intellectuelle et mondaine de Mme de La Sablière.
     Il le publie en 1678 et en 1679. Ce sont les livres VII à XI actuels.
       11. LA VIEILLESSE (1680'1693). — Après la conversion de
     Mme de La Sablière, La Fontaine continue à demeurer chez son
     amie. De son Hôtel de la rue Saint-Honoré, elle n’a gardé qu’une
     petite maison pour y loger ceux de ses gens dont elle ne veut pas
     se séparer. Le « fablier » est au premier rang. Il habite une chambre
     bien sage, ornée des bustes de ses grands hommes. Mais il en
     sort souvent.
       Il fréquente partout.
       Il continue ses relations de théâtre, sans Racine, qui est converti
     depuis 1677 ; il écrit une comédie, le Rendez-vous, qui n’a que
     quatre représentations (1683). Il s’obstinera à tenter le théâtre,
     écrivant une tragédie, Achille, restée inachevée, faisant jouer un
     opéra, Astrée, dont Colasse, gendre et successeur de Lulli, avait
     écrit la musique : mais ce fut encore un échec (1691) ; les libraires
     lui ont attribué Ragotin, le Florentin, le Veau Perdu, Je vous prends
     sans vert, la Coupe enchantée ; elles sont en réalité du comédien
     Champmeslé.
       Depuis 1684, il est de l’Académie. Il a succédé, détail piquant,
     à son vieil adversaire Colbert. Il s’est trouvé, sans l’avoir voulu,
     en concurrence avec Boileau et, pour être admis, il a dû attendre
     l’élection du satirique, patronné par le roi, protecteur de l’Aca­
     démie. Incident où l’on a voulu voir une preuve de la malveil­
     lance du souverain, et qui prouverait plutôt le contraire. La
     Fontaine, courtisan avisé, très fin, très attentif, fut toujours fort
     bien en cour, en dépit de ses Contes dont d’obligeantes personnes
     s’acharnaient en vain à vouloir faire une arme contre lui. Mais ils
     ne lui aliénaient même pas la sympathie des jansénistes Lancelot,
     Arnauld, Liancourt, ni celle des oratoriens, ni celle du dévot
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