Page 17 - Les fables de Lafontaine
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INTRODUCTION 13
par amitié pour Jannart ou, peut-être par prudence? on ne sait.
Ce qui est sûr, c’est que Jannart resta « limogé » deux ans, tandis
que son neveu regagne Château-Thierry dès l’automne 1662,
n’ayant fait qu’un voyage d’aller et retour dont, pour se distraire,
il rédigeait la chronique plaisante au jour le jour dans des Lettres
à sa femme qui nous sont parvenues.
Il n’y a plus qu’à reprendre la vie partagée entre Paris et Château-
Thierry. Il occupe l’année 1664 à préparer l’édition d’un ouvrage
intitulé Nouvelles en vers tirées de Boccace et de l’Arioste ; c’est
le premier volume de ses Contes, le premier aussi de ses ouvrages
personnels, la seconde de ses publications, après l’Eunuque (1654)
et le couronnement de sa carrière chez Fouquet. Il a 43 ans. Il
n’était pas pressé.
C’est alors, à Château-Thierry, surtout à propos de son procès
en usurpation de noblesse, qu’il entre décidément en relation
avec son seigneur, le duc de Bouillon, qui vient d’épouser Marie-
Anne Mancini, une nièce de Mazarin, âgée de 14 ans. La petite
duchesse s’attache au poète, applaudit à ses Contes, le fait entrer
en relation avec sa sœur, la duchesse Mazarin, et ne cessera plus
de le protéger.
9. AU LUXEMBOURG. LES CONTES ET LES FABLES
(1664-1671). — Le 8 juillet 1664, La Fontaine est nommé gentil
homme servant de la duchesse douairière d’Orléans, seconde femme
de Gaston, frère de Louis XIII, aux gages de 200 livres annuelles,
avec nourriture au palais du Luxembourg dans les temps de
service qui n’étaient ni longs ni accablants.
Ce n’est certes pas la fortune, mais c’est une condition enviable ;
elle confère la noblesse et fait entrer de plain-pied dans toutes
les compagnies. Il réside, en principe, à Château-Thierry ; mais
il est sans cesse à Paris. Il fréquente assidûment l’Hôtel de Bouillon
qui devient un des centres mondains et littéraires les plus impor
tants de Paris. La duchesse et sa sœur y font feu des quatre pieds :
jeu soir et matin ; compagnies ; divertissements ; foule de gens
de lettres mêlés aux plus grands seigneurs, et, parmi eux, Turenne,
oncle du duc, qui cause familièrement avec La Fontaine et lui
cite du Marot. Il est le poète favori de la duchesse ; elle est sa
« déesse », Olympe ou Uranie, devant laquelle il brûle son plus
suave encens. Et Dieu sait s’il s’y entend!
Il fréquente également chez Mme de La Fayette, alors fort liée
avec la jeune duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre, celle
qui passera « comme l’herbe des champs » dans une nuit tragique
de 1670. Il rencontre là son ancienne amie, Mme de Sévigné, et
sa fille, la future Mme de Grignan, à qui il dédie son Lion amou