Page 178 - Les fables de Lafontaine
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174 FABLES. — LIVRE QUATRIÈME
La fable au moins se peut souffrir *.
Celle-ci prend bien l’assurance * 15
De venir à vos pieds s’offrir,
Par zèle et par reconnaissance 5.
Du temps que les bêtes parlaient,
Les lions, entre autres, voulaient
Être admis dans notre alliance *. 20
Pourquoi non ? puisque leur engeance *
Valait la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure • outre cela.
Voici commentai en alla * : 25
Un Lion de haut parentage *,
En passant par un certain * pré,
Rencontra bergère * à son gré.
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhàité 3®
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur ;
La refuser n’était pas sûr.
Même, un refus eût fait, possible *,
Qu’on eût vu, quelque beau matin, 35
Un mariage clandestin 6.
Car, outre qu’en toute manière
La belle était pour les gens fiers *,
Fille se coiffe * volontiers 7
D’amoureux à longue crinière 8. 40
Le père, donc, ouvertement
N’osant renvoyer notre amant *,
Lui dit : « Ma fille est délicate ;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser. 45
Permettez donc qu’à chaque patte
5. Zèle d’amitié ; reconnaissance des bonnes grâces de Mm® de Sévigné
à son égard. — 6. Les mariages clandestins n’étaient pas rares autre
fois ; il fallut prendre des mesures sévères pour les empêcher. —
7. Fiers se prononçait fié ; d’où la rime avec volontiers. — 8. Allusion
plaisante aux longues chevelures des « galants blondins ».