Page 177 - Les fables de Lafontaine
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LIVRE QUATRIÈME


                   1.  — LE LION AMOUREUX

                     A Mademoiselle de Sévigné

         Sources. — Ésope ; Aphthonius ; Haudent ; Verdizotti.
         Intérêt. — La Fontaine a transposé la fable d’Ésope dans le
        ton du conte galant, écrit en vers d<*huit syllabes, dans la tradi­
        tion des conteurs du moyen âge, tradition suivie par La Fontaine
        dans un bon nombre de ses Contes. La dédicace est un madrigal
        qui n’exclut pas quelque malice. Mlle de Sévigné, fille de M“ de
        Sévigné, est la future Mme de Grignan, bien connue par les lettres
        de sa mère ; elle avait alors 19 ans, et devait se marier trois ans
        plus tard ; elle était réputée à la fois par sa beauté et par sa froi­
        deur. Quant au conte, il est enlevé avec beaucoup d’esprit.
               Sévigné, de qui les attraits
               Servent aux Grâces * de modèle
               Et qui naquîtes toute belle
               A votre indifférence1 près,
               Pourriez-vous être favorable            5
               Aux jeux innocents 2 d’une fable,
               Et voir sans vous épouvanter
               Un Lion, qu’Amour * sut dompter?
               Amour est un étrange * maître.
               Heureux, qui peut ne le connaître      10
               Que par récit, lui ni 3 ses coups !
               Quand on en parle devant vous,
               Si la Vérité 4 vous offense,
         1. Mme de Sévigné elle-même reconnaît cette froideur de sa fille :
       « Vous avez un air dédaigneux ; on n’espère point être de vos amis »
       (22 septembre 1680). — 2. Jeux innocents, parce que ce sont des
       jeux d’imagination, pour instruire en amusant. — 3. Négation, 29, k.
       — 4. La vérité (de l’amour).
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