Page 170 - Les fables de Lafontaine
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        i66         FABLES. — LIVRE TROISIÈME


                  14.  — LE LION DEVENU VIEUX

          Sources. — Phèdre ; Anonyme ; Corrozet ; Haudent.
          Intérêt. — Portrait pathétique, d’une rare noblesse d’inspi­
        ration, exprimant, en peu de vers, beaucoup de grandeur et de
        détresse.

               Le Lion, terreur des forêts,
        Chargé d’ans et pleurant son antique * prouesse,
        Fut enfin attaqué par ses propres sujets
               Devenus forts par sa faiblesse.
        Le Cheval, s’approchant, lui donne un coup de pied, 5
        Le Loup, un coup de dent, le Bœuf, un coup de corne.
        Le malheureux Lion, languissant, triste et morne,
        Peut à peine rugir, par l’âge estropié *.
        Il attend son destin *, sans faire * aucunes * plaintes,
        Quand, voyant l’Ane même à son antre accourir :   10
        — « Ah! c’est trop, lui dit-il, je voulais bien mourir,
        Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes *. »

         Exercice complémentaire. — Dites quels sentiments vous ins­
       pire le vieux Lion.



                 15.  — PHILOMÈLE ET PROCNÉ

         Sources. ■— Ésope ; Gabrias.
         Intérêt. — Le rossignol est un oiseau à la fois solitaire et mélo­
       dieux. Cette fable, addition élégiaque à l’épouvantable légende
       mythologique de Térée *, explique à sa façon pourquoi le rossi­
       gnol Philomèle hante ainsi les lieux sauvages. Le ton élégiaque
       va même jusqu’à une sorte de romantisme avant la lettre : senti­
       ment d’une destinée accablante, génie ivre de solitude, misan­
       thropie, goût de « la nature », tout le romantisme est là en puis­
       sance. La Philomèle de La Fontaine est l’un des premiers « héros
       romantiques » en date de notre littérature.
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