Page 160 - Les fables de Lafontaine
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156        FABLES. — LIVRE TROISIÈME

         Le Renard dit au Bouc : « Que ferons-nous, compère * ?
         Ce n’est pas tout de boire, il faut sortir d’ici.
         Lève tes pieds en haut et tes cornes aussi,    io
         Mets-les contre le mur. Le long de ton échine
                 Je grimperai premièrement ;
                 Puis, sur tes cornes m’élevant,
                 A l’aide de cette machine *
                 De ce lieu-ci je sortirai,             15
                 Après quoi, je t’en tirerai.
         —  Par ma barbe, dit l’autre, il • est bon, et je loue
                 Les gens bien sensés comme toi.
                 Je n’aurais jamais, quant à moi,
                Trouvé ce secret, je l’avoue. »         20
         Le Renard sort du puits, laisse son compagnon,
                Et vous 3 lui fait un beau sermon
                Pour l’exhorter à patience 4.
         —  « Si le Ciel t’eût donné, dit-il, par excellence 5,
         Autant de jugement que de barbe au menton,     25
                Tu n’aurais pas à la légère
         Descendu dans ce puits. Or, adieu ; j’en suis hors.
         Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts ®.
                Car, pour moi, j’ai certaine affaire
         Qui ne me permet pas d’arrêter * en chemin. »   30
         En toute chose, il faut considérer la fin.
          Exercice complémentaire. — Donnez à cette fable la forme
         d’une petite comédie dialoguée à plusieurs scènes.




             6.  — L’AIGLE, LA LAIE * ET LA CHATTE
          Source. — Phèdre.
          Intérêt. — Fable morale. C’est un petit drame, avec mise en
        scène, péripéties successives, dénouement. La morale s’exprime
        sur un ton d’indignation en rapport avec le drame. On se rap-
          3. Datif éthique, 29, f. — 4. Absence d’article, 29, c. — 5. Par
        excellence : fait le don excellent entre tous. — 6. Hystéron protéron, 23, x.
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