Page 151 - Les fables de Lafontaine
P. 151

LIVRE TROISIÈME


         1. — LE MEUNIER, SON FILS ET L’ANE
                         A. M. D. M. 1

       Sources. — Le Pogge * (Facéties) ; Faërne ; Verdizotti ; Racan
     (Vie de Malherbe). Cette Vie de Malherbe est postérieure de quel­
     ques années aux Fables, mais La Fontaine a dû la connaître en
     manuscrit ou autrement. De son côté, Racan a inséré la fable de
     La Fontaine dans son texte.
       Intérêt. — Cette fable est donnée comme un exemple de
     belle invention attribuée à Malherbe ; en fait, elle remontait au
     moins au Pogge. “En la plaçant en tête du livre III, La Fontaine
     laisse entendre, à ceux qui critiqueront ses fables, qu’il entend,
     lui aussi, agir à sa guise, sans trop se soucier des censeurs (voir
     le Prologue du livre II).
       Brossette prétend que la fable fut composée vers 1647, au
     moment où Maucroix entrait dans les ordres et où La Fontaine
     songeait à se marier ; elle aurait eu alors une valeur d’actualité
     pour les deux amis. Quoi qu’il en soit, nous avons là, vraisem­
     blablement, le premier essai de La Fontaine dans le genre de la
     fable. Composée entièrement en alexandrins à rimes plates (c’est
     la seule fable ayant cette forme), elle est, en fait, beaucoup moins
     une fable qu’une épître familière, dans la tradition des épîtres
     d’Horace. Le récit est un conte rustique, dans le genre des conteurs
     du XVIe siècle qui cherchent beaucoup plus le mot pour rire que
     la morale.
     L’invention des arts étant un droit d’aînesse2,
     Nous devons l’apologue * à l’ancienne 3 Grèce.
     Mais ce champ ne se peut tellement moissonner
     Que les derniers venus n’y trouvent à glaner.
       1. Ces initiales signifient : A Monsieur de Maucroix. Maucroix fut
     un ami de toüt le temps de La Fontaine. Il entra dans les ordres et devint
     chanoine de Reims. — 2. Cette métaphore revient à dire : les anciens,
     nos aînés, ont eu le privilège d’inventer les arts. — 3. Ancienne, quatre
     syllabes, par diérèse, 27, e.
   146   147   148   149   150   151   152   153   154   155   156