Page 141 - Les fables de Lafontaine
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LE CORBEAU VOULANT IMITER L’AIGLE 137
Faites-en les feux2 dès ce soir.
Et cependant, viens recevoir
Le baiser d’amour * fraternelle.
— Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais 15
Apprendre une meilleure et plus douce nouvelle
Que celle
De cette paix.
Et ce m’est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux lévriers 20
Qui, je m’assure *, sont courriers *
Que pour ce sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends. Nous pourrons nous entre-baiser tous.
— Adieu, dit le Renard ; ma traite * est longue à faire. 25
Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
Une autre fois s. » Le galant * aussitôt
Tire * ses grègues, gagne au haut *,
Mal * content de son stratagème ;
Et notre vieux Coq en lui-même 30
Se mit à rire de sa peur.
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.
Exercice complémentaire. — Dites ce que vous pensez du pro
verbe : A malin, malin et demi.
16. — LE CORBEAU VOULANT IMITER L’AIGLE
Sources. — Ésope ; Aphthonius ; Gabrias ; Corrozet ; Hau-
dent ; Verdizotti.
Intérêt. — Fable de satire sociale, comme te montrent bien
tes deux derniers vers. C’est d’ailleurs un lieu commun traité
par tous tes moralistes et satiriques anciens et modernes : 1e gros
financier échappe à la justice, mais elle se rattrape férocement
2. Les feux de joie. — 3, Enjambement, 27, b.