Page 136 - Les fables de Lafontaine
P. 136
- FABLES. — LIVRE DEUXIÈME
L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits.
Le long d’un clair ruisseau buvait une Colombe s,
Quand, sur l’eau se penchant, une Fourmi y 4 tombe,
Et, dans cet océan, on eût vu la Fourmi
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive. 5
La Colombe aussitôt usa * de charité :
Un brin d’herbe, dans l’eau, par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire * où la Fourmi arrive * 4 ;
Elle se sauve. Et, là-dessus,
Passe un certain * croquant • qui marchait les pieds nus. 10
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète *.
Dès qu’il voit l’oiseau de Vénus *,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête *.
Tandis qu’à le tuer'mon villageois * s’apprête,
La Fourmi le pique au talon. 15
Le vilain * retourne la tête.
La Colombe l’entend, part, et tire * de long.
Le souper * du croquant avec elle s’envole ;
Point de pigeon pour une obole *.
Exercice complémentaire. — Inventez un troisième récit où
l’on verra un pauvre bûcheron, secouru dans sa misère par un seigneur,
sauver à son tour la vie à ce seigneur au cours d’une chasse en forêt.
13. — L’ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER
DANS UN PUITS ■
Sources. — Ésope ; Gabrias ; Faeme ; Corrozet. De plus, les
auteurs philosophiques citent à l’envi cet exemple, quand ils
écrivent contre les charlatans qui prédisent à tort et à travers :
Platon (Théétète) ; Cicéron (de Divinatione) ; Montaigne, II, XII.
Joignons-y saint Augustin (Cité de Dieu, V, 4 et VIII, 19), dont
La Fontaine semble s’être souvenu. On se souviendra aussi que
l’astrologie avait été mise à la mode en France par Catherine de
Médicis, popularisée par le succès de Nostradamus, Ruggieri, etc.,
3. Inversion pittoresque, 23, y. — 4. Hiatus, 27, d.