Page 138 - Les fables de Lafontaine
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’34         FABLES. — LIVRE DEUXIÈME
         A * quelle utilité ? pour exercer l’esprit
         De ceux qui, de la sphère et du globe *, ont écrit?
         Pour nous faire éviter des maux inévitables 5 ?   25
         Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables 6 ?
         En causant du dégoût pour ces biens prévenus 7,
         Les convertir en maux devant * qu’ils soient venus ?
         C’est erreur, ou plutôt, c’est crime de le * croire.
         Le firmament se meut ; les astres font * leur cours, 30
                 Le soleil nous 8 luit tous les jours,
         Tous les jours, sa clarté succède à l’ombre noire,
         Sans que nous en puissions autre chose inférer
         Que la nécessité * de luire et d’éclairer,
         D’amener les saisons, de mûrir les semences,   35
         De verser sur les corps certaines influences 9.
         Du reste, en quoi répond * au sort, toujours divers *,
         Ce train * toujours égal dont * marche l’univers ?
                 Charlatans, faiseurs d’horoscope *,
             Quittez les cours des princes * de l’Europe,   40
         Emmenez avec vous les souffleurs 10 *tout d’un temps *.

         Vous ne méritez pas plus de foi * que ces gens.
         Je m’emporte un peu trop ; revenons à l’histoire
         De ce spéculateur11 qui fut contraint de boire.
         Outre la vanité de son art * mensonger         45
         C’est l’image de ceux qui bâillent * aux chimères *,
                Cependant qu’ *ils sont en danger
                Soit pour eux, soit pour leurs affaires.

           Exercice complémentaire. — Faites, à votre tour, un discours
         où vous discuterez les raisons apportées par La Fontaine contre
         l’astrologie et la prévision de l'avenir.



           5. Figure étymologique, 23, q. — 6. Parce que la prévision des
         maux à venir empoisonnerait les plaisirs présents. — 7. Prévenus : connus
         à l’avance, prédits. — 8. Nous luit : luit pour nous. — 9. Les influences
         sont le chaud, le froid et tout ce que nous appelons aujourd’hui rayon­
         nement. Les corps sont les corps matériels. -— 10. Souffleurs : nom
         péjoratif des alchimistes qui soufflaient constamment sur leurs foyers
         pour transformer tous les métaux en or. — 11. Spéculateur : contem­
         plateur, avec une nuance méprisante. Il s’agit de l’astrologue du début.
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