Page 133 - Les fables de Lafontaine
P. 133
L’ANE CHARGÉ D’ÉPONGES ET L’ANE CHARGÉ DE SEL 129
Qu’il n’est griffe ni dent, en la bête irritée,'
Qui, de la mettre en sang, ne fasse son devoir 4. 25
Le malheureux Lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l’entour * de ses flancs,
Bat l’air qui n’en peut mais * ; et sa fureur extrême
Le fatigue, l’abat : le voilà sur les dents *.
L’insecte, du combat, se retire avec gloire. 30
Comme il sonna la charge, il sonne la victoire,
Va partout l’annoncer, et rencontre * en chemin
L’embuscade d’une araignée * :
Il y rencontre aussi sa fin.
Quelle chose, par là*, nous peut être enseignée? 35
J’en vois deux, dont l’une est qu’entre nos ennemis,
Les plus à craindre sont souvent les plus petits ;
L’autre, qu’aux grands périls tel * a pu se soustraire
Qui périt pour la moindre affaire 5.
Exercice complémentaire. — En vous inspirant des vers 10 à 30,
faites le récit détaillé du combat entre le Lion et le Moucheron.
10. — L’ANE CHARGÉ D’ÉPONGES
ET L’ANE CHARGÉ DE SEL
Sources. — Ésope ; Gabrias ; Faëme.
Intérêt. — La Fontaine a transformé le récit en une suite de
tableaux d’un pittoresque extraordinaire. C’est à de telles fables
que s’applique le mot de Mme de Sévigné : Cela est peint.
Un ânier *, son sceptre1 à la main,
Menait, en empereur romain,
Deux coursiers à longues oreilles 2.
L’un, d’éponges chargé, marchait comme un courrier *,
4. Son devoir : aux yeux du moucheron, dont la ruse de guerre réus
sit. — 5. Tel... qui : relatif séparé de son antécédent, 29, x.
1. Sceptre: son bâton. — 2. Périphrase pittoresque, 24, d. Empereur
romain : il s’agit des imperator es. ou généraux victorieux, conduisant
uncharàquu. . chevaux pendant la cérémonie du triomphe. Ironie, 23, z.