Page 125 - Les fables de Lafontaine
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LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD 121
3. — LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD
PAR DEVANT LE SINGE
Source. — Phèdre.
Intérêt. — La Fontaine cherche avant tout à faire valoir le
mot final, qui lui avait paru hon. On voit par sa note que les audi
teurs auxquels il lut sa fable lui firent des objections. A vrai dire,
malgré les détails pittoresques, la fable n’est pas des meilleures.
Un Loup disait que l’on l’avait volé.
Un Renard, son voisin, d’assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé *.
Devant le Singe il fut plaidé1,
Non point par avocats, mais par chaque partie *. 5
Thémis * n’avait point travaillé,
De mémoire de Singe, à fait * plus embrouillé.
Le magistrat suait en son lit * de justice.
Après qu’on eut bien contesté,
Répliqué, crié, tempêté, 10
Le juge, instruit de leur malice *,
Leur dit : « Je vous connais de * longtemps, mes amis,
Et tous deux vous paierez l’amende :
Car toi, Loup, tu te plains quoiqu’on ne t’ait rien pris,
Et, toi, Renard, as pris ce que l’on te demande. » 15
Le juge prétendait * qu’à tort et à travers 2
On saurait manquer *, condamnant un pervers.
Quelques personnes de bon sens ont cru que l’impossibilité et la
contradiction qui est dans le jugement de ce Singe était une chose
à censurer ; mais je ne m’en suis servi qu’après Phèdre, et c’est en cela
que consiste le bon mot, selon mon avis. (Note de La Fontaine.)
Exercice complémentaire. — Supposez que, dans une réunion
chez de La Fayette, par exemple, La Fontaine lise sa fable.
Exposer la discussion qui suit sur la valeur de cette fable.
1. Passif impersonnel : on plaida, 29, r. — 2. A tort et à travers se
rapporte à condamnant. Ce dernier mot est, non un participe, mais un
gérondif : en condamnant. Et à fait hiatus, 27, d.