Page 113 - Les fables de Lafontaine
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L’HOMME ENTRE DEUX AGES ET SES DEUX MAITRESSES io9
17. — L’HOMME ENTRE DEUX AGES
ET SES DEUX MAITRESSES *
Sources. — Ésope ; Gabrias ; Phèdre ; Corrozet ; Haudent.
Intérêt. — Satire malicieuse contre le mariage, considéré
comme une gêne et une prison pour le mari, dans la tradition
d’œuvres du moyen âge comme les Quinze Joies du Mariage
(xve siècle), et répondant aux goûts d’indépendance de La Fon
taine, qui fut un mari des plus désinvoltes. L’intérêt se concentre
sur les attitudes successives du grison.
Un homme de moyen âge *
Et tirant * sur le grison *,
Jugea qu’il était saison *
De songer au mariage.
Il avait du comptant * 5
Et, partant *,
De quoi choisir ; toutes 1 voulaient lui plaire ;
En quoi * notre amoureux ' ne se pressait pas tant.
Bien adresser * n’est pas petite affaire.
Deux veuves, sur son cœur, eurent le plus de part *, io
L’une encor * verte, et l’autre, un peu bien mûre
Mais qui réparait par son art *
Ce qu’avait détruit * la nature. ,
Ces deux veuves, en badinant *,
En riant, en lui faisant fête *, 15
L’allaient * quelquefois festonnant *,
C’est-à-dire ajustant * sa tête.
La Vieille, à tout moment, de sa part *, emportait
Un peu du poil noir qui restait,
Afin que son amant * en fût plus à sa guise. 20
La Jeune saccageait les poils blancs à son tour.
Toutes deux firent tant que notre tête * grise
Demeura sans cheveux, et se douta du tour * 2.
1. Toutes (les femmes). — 2. Notez la rime tour-tour, 27, g.