Page 108 - Les fables de Lafontaine
P. 108
104 FABLES. — LIVRE PREMIER
Il est assez de cette marchandise.
De nul d’eux n’est souvent la province conquise 4 :
Un quart voleur 5 survient, qui 6 les accorde net *
En se saisissant du baudet.
Exercice complémentaire. — Montrez que la fable 9 du livre IX,
l’Huître et les Plaideurs, illustre exactement la même idée que celle-ci.
14. — SIMONIDE * PRÉSERVÉ PAR LES DIEUX
Sources. — Phèdre ; Cicéron {de Oratorè) ; Quintilien.
Intérêt. — Ceci est, non pas une fable, mais une anecdote
mythologique destinée à montrer la valeur du poète. Au poète,
en effet, revient la fonction de la louange, qui assure la gloire des
puissants et des belles ; mais, en retour, les puissants doivent
payer l’encens des poètes en espèces sonnantes. Un prologue
et un épilogue encadrent la narration, à seule fin de bien dégager
l’idée que nous venons d’exprimer. Le ton, d’un bout à l’autre,
est souriant et léger. La Fontaine, qui a mainte fois prouvé sa
merveilleuse habileté dans la louange poétique, et qui en a vécu,
plaide ici pour son saint. Mais il le fait sans acrimonie. Nous
sommes à l’opposite des Chatterton romantiques.
On ne peut trop louer trois sortes de personnes :
Les dieux *, sa maîtresse * et son roi.
Malherbe le disait ; j’y souscris quant à moi.
Ce sont maximes toujours bonnes.
La louange chatouille * et gagne les esprits ; 5
Les faveurs d’une belle * en sont souvent le prix.
Voyons comme * les dieux l’ont quelquefois * payée.
Simonide * avait entrepris
L’éloge d’un athlète *, et, la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de récits tout nus *. 10
Les parents de l’athlète étaient gens inconnus.
Son père, un bon bourgeois *, lui, sans autre mérite :
Matière * infertile et petite.
4. Souvent, la province n’est conquise par aucun d’eux. — 5. Le
quart voleur fut l’empereur d’Allemagne. — 5. Relatif séparé de l’anté
cédent, 29, x.