Page 104 - Les fables de Lafontaine

IOO FABLES. — LIVRE PREMIER
Et * je sais que, de moi, tu médis, l’an passé.
— Comment 1 *’aurais-je fait, si 6 je n’étais pas né ? 20
Reprit l’Agneau ; je tette encor * ma mère.
-— Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
— Je n’en ai point. — C’est donc quelqu’un des tiens.
Car vous ne m’épargnez guère.
Vous 7, vos bergers et vos chiens. 25
On me l’a dit. Il faut * que je me venge. »
Là-dessus, au fond des forêts,
Le Loup l’emporte, et puis, le mange,
Sans autre forme de procès 8.

Exercice complémentaire. — Vous écrivez à un ami pour lui
exprimer les sentiments que vous inspire la conduite du Loup et de ses
pareils.

. IL — L’HOMME ET SON IMAGE

Source. — Sans doute, invention de La Fontaine.
Intérêt. — En 1668, les Maximes de La Rochefoucauld sont
un des livres à la mode. Publiées en 1665, elles avaient eu aussitôt
trois éditions et avaient été publiées à nouveau en 1666. La Fon­
taine voyait le duc et se plaisait en sa compagnie ; il lui dédia
encore la fable 15 du livre X. Pour exprimer son admiratioh à
son illustre ami, il prend le détour d’un genre fort à la mode
dans les milieux mondains : l’allégorie; On y avait recours aux
périphrases, aux métaphores et à tous les jeux d’esprit qui exer­
çaient la finesse de l’intelligence et transposaient poétiquement
la réalité. Celle de La Fontaine a le mérite de la poésie et de l’esprit ;
il en donne lui-même l’explication, ce qui lui fournit l’occasion
de terminer sur un délicat hommage à La Rochefoucauld.
6. Si : puisque ; mais la forme conditionnelle exprime une nuance
d’humilité. — 7. Vous : les moutons. •— 8. La forme d’un procès
est le développement légal de ce procès. Sans autre forme de procès :
sans se soucier autrement de la marche régulière de la justice, c’est-
à-dire en coupant court par la force à toute réclamation.