Page 102 - Les fables de Lafontaine
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98           FABLES. — LIVRE PREMIER
          La composition comme la forme ont une’sagesse un peu guindée,
          sans grand pittoresque ni beaucoup d’ironie. Rien de prime-
          sautier. Qui ne connaîtrait que cette fable ignorerait tout du vrai
          génie de La Fontaine.

                  Autrefois, le Rat de ville
                  Invita le Rat des champs,
                  D’une façon fort civile *,
                  A des reliefs * d’ortolans.

                  Sur un tapis de Turquie *               5
                  Le couvert se trouva mis.
                  Je laisse à penser * la vie *
                  Que firent les deux amis.

                  Le régal * fut fort honnête •,   ♦
                  Rien ne manquait au festin ;           10
                  Mais quelqu’un * troubla la fête
                  Pendant qu’ils étaient en train *.
                  A la porte de la salle *
                  Ils entendirent du bruit.
                  Le Rat de ville détale *,              15
                  Son camarade le suit.
                  Le bruit cesse : on se retire.
                  Rats en campagne * aussitôt ;
                  Et le citadin, de dire :
                  — « Achevons tout notre rôt *.         20
                  — C’est assez, dit le rustique • ;
                  Demain vous" viendrez chez moi.
                 > Ce n’est pas que je me pique *
                  De tous vos festins de roi ;
                  Mais rien ne vient m’interrompre,      25
                  Je mange tout * à loisir.
                  Adieu donc. Fi du plaisir
                  Que la crainte peut corrompre ! »
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