Page 109 - Les fables de Lafontaine
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SIMONIDE PRÉSERVÉ PAR LES DIEUX IO5
Le poète d’abord parla de son héros.
Après en avoir dit ce qu’il en pouvait dire, 15
Il se jette à côté *, se met sur le propos *
De Castor * et Pollux, ne manque pas d’écrire
Que leur exemple était aux lutteurs glorieux,
Élève * leurs combats, spécifiant les lieux
Où ces frères s’étaient signalés davantage. 20
Enfin l’éloge de ces dieux
Faisait les deux tiers de l’ouvrage.
L’athlète avait promis d’en payer un talent * ;
Mais, quand il le vit, le galant *
N’en donna que le tiers, et dit fort franchement 25
Que Castor et Pollux acquittassent1 le reste.
— « Faites-vous contenter * par ce couple céleste.
Je vous veux 2 traiter * cependant :
Venez souper * chez moi, nous ferons bonne vie *.
Les conviés sont gens choisis, 30
Mes parents, mes meilleurs amis.
Soyez donc de la compagnie *. »
Simonide promit. Peut-être qu’il eut peur
De perdre, outre son dû, le gré * de la louange.
Il vient, l’on festine *, l’on mange. 35
Chacun étant de belle humeur,
Un domestique accourt, l’avertit qu’à la porte
Deux hommes demandaient à le voir promptement.
Il sort de table, et la cohorte *
N’en perd pas un seul coup de dent. 40
Ces deux hommes étaient les gémeaux * de l’éloge.
Tous deux lui rendent grâce, et, pour prix de ses vers,
Ils l’avertissent qu’il déloge 3
Et que cette maison va tomber à l’envers.
La prédiction en fut vraie ; 45
Un pilier manque, et le plafonds 4,
Ne trouvant plus rien qui l’étaie,
Tombe sur le festin, brise plats et flacons,
N’en fait pas moins aux échansons *.
1. Subjonctif-impératif du style indirect, 30, b. — 2. Complément
de l’infinitif, 29, d. — 3. Subjonctif. — 4. Orthographe du temps :
platfonds.