Page 91 - Vincent_Delavouet
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          sion primitive leur fait confondre souvent religion et supers­
          tition.
            Ainsi, après avoir religieusement écouté la messe, venus
          même d’assez loin dans ce but, il n’était pas rare que l’un
          d’eux, pris de faiblesse, ou miné par la maladie, fût consi­
          déré par ses compagnons comme possédé du démon, et mis à
          mort, sans autre forme de procès, ,
            Cette coutume était tellement implantée dans leur cer­
          veau épais, que les missionnaires n’avaient jamais encore
          pu leur faire comprendre raison.
            Jusqu’à présent, nous avions remarqué que les rivières
          suivaient le cours du sud au nord, en prenant leur source
          dans ces Montagnes Rocheuses que nous avions eu le soin de
          contourner.
            Lorsque nous repartîmes, au bout de deux jours de repos,
          de ce fort John, nous fîmes la remarque que les rivières,
          quoique gelées en cette saison, suivaient leur cours du nord
          au sud et c’est de ce moment que nous constatâmes un froid
          moins vif dans la région.
            Cette troisième partie de notre voyage fut d’ailleurs bien
          moins pénible ; nous nous dirigeâmes, en suivant le cours
          de la rivière de la Paix, du côté de la Colombie anglaise,
          dans la direction du Fort Georges, grosse tribu d’indiens,
          avec de nombreux missionnaires.
            Nous y demeurâmes quelques jours et c’est là que nous
          fîmes la connaissance de vrais Indiens, qu’il ne faut pas
          confondre avec les Esquimaux dont nous avons parlé plus
          haut. Ce ne sont ni les mêmes mœurs, ni la même langue,
          ni la même physionomie. Ce sont en général de beaux hom­
          mes, grands, bien découplés, couleur de la peau plus cui­
          vrée, les cheveux noirs, ressemblant assez à du crin de cheval.
            Fort Georges, depuis mon passage, est devenu une grande
          ville, où le Transcontinental du Canada, ligne de chemin de
          fer, passe actuellement. Pour notre retour, toutes difficultés
          se trouvèrent aplanies ; nous nous servîmes de nos traî­
          neaux pour descendre la rivière Fraeser, alors gelée jusqu’à
          Much-Chanel, et nous nous séparâmes à Alokrofï ; je passai
          par Much-Chanel, où j’étais allé douze ans précédemment et
          me dirigeai du côté de Butte-Montana.
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