Page 86 - Vincent_Delavouet
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                                 Chapitre XXVII

                          Troisième expédition de l’Alaska

                 Comme je l’indiquais dans le précédent chapitre, nous
               étions en été, au mois de juin 1905, au moment des plus
               longs jours de l’année et je voulais revoir le Klondyke où
               j’avais tant souffert.
                 Depuis 1896, que de changements, que de transformations
               dans ce pays ! Si le lecteur veut se reporter aux chapi­
               tres xvii et xviii, il verra que la première étape séparant
               Dyea du lac Benett fut pour nous un vrai calvaire.
                 Actuellement, une ligne de chemin de fer desservait cette
               voie. A l’endroit où nous eûmes la douleur de perdre un de nos
               compagnons qui se noya, au bord de ce lac Benett, s’élevait
               alors une ville florissante.
                 Un service de bateaux à vapeur franchissait non seule­
               ment le lac Benett, mais descendait le cours du Yukon, dont
               les « Rapides » avaient disparu. C’est ainsi que j’arrivai à
               Dawson City « les mains dans mes poches ». Quant à la ville
               de Dawson City, les cahutes de branchages avaient fait
               place à de confortables maisons, où l’on trouvait un peu
               de tout, à des prix abordables. Et cependant la ville avait
               connu son apogée vers 1901, époque de sa grande activité
               aurifère, avec ses 50.000 habitants, réduits en 1905 à 15.000
               ou 20.000 tout au plus.
                 Il faut dire que presque tous les puits, alors, étaient
               épuisés, et que si les mœurs s’étaient modifiées, si la civili­
               sation avait fait des progrès, si même un Palais de Justice
               y avait été construit, cela n’avait en rien changé la tempé­
               rature, toujours aussi glaciale en hiver. Aussi ce n’était
               pas en ces pays glacés qu’un rentier pensait venir se reposer.
                 Tous les prospecteurs qui avaient eu la chance de trouver
               le bon filon et qui avaient eu surtout la volonté de résister
               aux deux passions funestes de l’alcool et du jeu, étaient
               repartis dans le sud.
                 Restaient donc les déveinards et les gens qui avaient
               vécu au jour le jour. L’ouvrier qui regrattait ces mines aban­
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