Page 88 - Vincent_Delavouet
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               est molle, les voyageurs se trouvent les uns derrière les autres.,
               mais en un seul rang (comme dans les périssoires).
                  Les chiens dressés à ce genre de transport ont les pattes
               très larges et le poil très long, ce qui leur permet de ne pas
               enfoncer dans la neige. Ils peuvent parcourir par terrain
               plat une moyenne de 8 à 9 kilomètres à l’heure.
                 Ils ne connaissent et n’obéissent qu’à la voix de leur maître
               et, si le malheur voulait qu’un des conducteurs périsse en
               route (par le froid, comme il arrive fréquemment), les chiens
               demeureraient sur place, et il serait inutile de songer à les
               faire avancer. Nous avions emporté des tentes et objets de
               campement et c’est ainsi que, chaque-soir, nous installions,
               sur la neige, des toiles épaisses et, enroulés dans nos pellete­
               ries, nous luttions assez bien contre le froid, tant qu’il ne
               devint pas intense, c’est-à-dire jusque vers la Noël, où nous
               arrivâmes, après un mois et demi de voyage, au fort « Liart »,
               composé d’une mission française de trois missionnaires,
               quelques Blancs et une centaine d’indigènes esquimaux.
                 Ces missionnaires, faisant abstraction de leur personne,
               étaient venus cathéchiser et civiliser ces peuplades dissé­
               minées dans ces régions glaciales. Ils étaient soutenus dans
               cette tâche difficile par leur foi de chrétiens, puis par l’aide
               efficace d’une Compagnie anglaise Hudson Bay, qui alimente
               le « fort » de vivres, munitions, armes, pièges, etc., de façon
               à faire des échanges chaque année avec les indigènes esqui­
               maux, grands chasseurs de martre, gibier très recherché
              pour sa peau, et qui se tient en général dans les forêts inextri­
              cables de ces régions ; quant au castor, plus commun, on le
              capture dans les marécages et près des rivières.
                Cette Compagnie Hudson Bay est excessivement riche,
              possède environ 10 % des terres du Nord du Canada; ce
              sont ses employés qui forment la population de ccs« forts »,
              qu’elle a tout intérêt à approvisionner copieusement.
                Quant à ces missionnaires, on ne saurait trop insister sur
              leur dévouement et leur abnégation. Hommes solides, à
              l’épreuve depuis de longues années, ils ne craignent pas leur
              peine et vont faire des expéditions individuelles de centaines
              de kilomètres, pour aller convertir et pacifier des peuplades
              dans ces régions désertiques ; ils ne craignent ni les intem­
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