Page 96 - Vincent_Delavouet
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Voici ce que j’appris : Douze années auparavant, ce
                 pauvre Antoine Cécillon venait de Manitoba travailler à une
                 construction et faire des coupes de bois. Il avait trois hommes
                 avec lui. Après avoir construit les huttes nécessaires pour
                 leur campement, il arriva que, certain soir, il se chargea de
                 venir à Raportage pour chercher des provisions.
                   Trompé par l’obscurité, ou par le mauvais temps, Antoine
                 perdit son chemin et se trouva égaré en pleine nuit et en
                 fin de novembre dans quelque rafale de neige, ne sachant
                 plus où se diriger.
                   Ses traces furent relevées au bord d’un marais gelé, sur
                 la glace duquel il s’était aventuré, mais n’avait pas continué
                 plus avant, la glace s’étant rompue. Il put se dégager une
                 première fois de cette mauvaise position, mais il dut sans
                 doute s’obstiner à rechercher un chemin introuvable.
                   Toujours est-il que ce ne fut que le lendemain, que l’on
                 découvrit son cadavre gelé au pied d’un rocher, sur lequel
                 il avait essayé de grimper.
                   Il était donc mort de froid, perdu dans la nuit, sans aucun
                 secours possible. Les personnes qui le découvrirent ainsi
                 ramenèrent son corps à Raportage, où la Municipalité lui
                 fit des funérailles convenables, surtout après avoir constaté,
                 d’après ses papiers, que sa-succession pourrait en payer les
                 frais.
                   C’est au cimetière de Raportage que j’ai visité sa tombe.
                   C’est par la voie des consuls ou vice-consvls que son
                 frère François, qui travaillait à cette époque, d’une façon
                 intermittente, aux mines de Vancouver, fut avisé de la
                 mort d’Antoine. Aussi, sans plus tarder, François, en pré­
                 sentant ses papiers d’identité, se fit remettre les reçus de
                 la banque où était déposé son argent. Quant à payer les
                 frais dus pour l’enterrement d’Antoine, François n’en prit
                 aucun souci; il toucha très facilement l’argent que son
                 frère avait en dépôt en banque, et revint tranquillement
                 dans son village natal, près de Lyon, jouir de cette petite
                 fortune si facilement gagnée, mais si peu scrupuleusement
                 empochée.
                   Au commencement d’août 1909, je continuai mon voyage
                 à North Bay (Ontario), puis je visitai les mines d’argent
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