Page 59 - Vincent_Delavouet
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depuis notre départ, soit 50.000 francs, et naturellement
         n’avions rien gagné.
           Cependant, certains indices nous donnaient espoir d’être
         bientôt récompensés.
           Vers la fin de février 1897, nous âvons enfin trouvé la
         roche; c’est-à-dire que 80 % environ de gravier recouvraient
         cette roche, qui elle-même nous donna quelque peu d’or,
         par nos moyens rudimentaires. Vers la fin de mai, la fonte
         des neiges nous permit de laver tout ce gravier, par le sys­
         tème des trois planches formant caniveau et en peu de
         temps, non seulement nous pûmes combler notre déficit,
         mais nous eûmes en outrt un certain profit.
           Au prix de quelles peines ! le lecteur ne peut se l’imaginer.
         Ne voulant pas l’apitoyer outre mesure sur notre sort, je ne
         lui indiquerai qu’un fait.
           Arrivés à 80 et 90 mètres de profondeur de ce puits enfin
         percé, nous étions obligés, à la lueur de chandelles, pour
         découvrir cette roche et en enlever le gravier, de nous mettre
         soit à plat ventre, soit sur le dos et c’est dans cette position
         terrible, avec un air raréfié, et le risque de recevoir des éboulis
         sur la tête, que nous sommes arrivés à extraire ce précieux
         gravier- au rif ère.
           Je ne supposé pas que nos forçats soient chargés d’une
         pareille besogne. Aussi, sans que la maladie ait jamais eu de
         prise sur moi, je me trouvais à cette époque excessivement
         fatigué. Puis, j’ignorais ce que la suite nous donnerait. Une
         fois ce puits abandonné, il nous fallait encore risquer de
         gros capitaux au hasard, à l’aventur^ sans aucune certitude
         de trouver un filon.
           C’est alors que je résolus de quitter cette terre inhospita­
         lière. Je vendis à mes compagnons ma part, pour un prix
         minime et, comme à cette époque de l’année (juin) il existait
         un service de beteaux qui descendaient le Yukcn, jusqu’au
         détroit de Behring, je n’hésitai pas à entreprendre ce long
         voyage de retour, afin de me retrouver dans un pays un peu
         plus civilisé. Ce voyage de retour ne présente pas d’incidents
         dignes de remarque, si ce n’est que les passagers de ce bateau
         quittaient le pays du Klondyke avec de petites et de grosses
         fortunes. Des centaines de mille francs étaient considérées
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