Page 56 - Vincent_Delavouet
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                peut se comparer comme dimensions à celui du Léman (en
                partant de Genève pour aboutir au Bouveret).
                  Nous étions alors en octobre 1896. Jusque-là la tempé­
                rature était restée relativement douce, mais, comme un fait
                exprès, le jour même de notre embarquement, le vent du
                nord commença à souffler et, en quelques heures, les bords
                du lac gelèrent !
                  Craignant a vec raison d’être pris par la glace pendant notre
                traversée, nous tînmes conseil et il fut résolu à l’unanimité
                de remettre pied à terre. Puis la malchance nous poursuivant,
                nous eûmes un homme qui se noya pendant cette manœuvre
                de débarquement ! Nous voici donc réduits à cinq hommes ;
                notre radeau était devenu inutile. Mais nous ne restâmes
                pas inactifs et pendant les quelques jours qui suivirent, et où
                le froid devint de plus en plus vif, nous construisîmes plusieurs
                traîneaux, que nous chargeâmes de nos marchandises, et
                lorsque l’on jugea la glace assez épaisse nous nous attelâmes
                nous-mêmes, comme des bêtes de somme, à ces traîneaux,
                et en route sur la glace du lac.
                  Tout alla bien jusqu’à l’entrée de la rivière « Yukon »,qui
                faisait suite à ce lac Benett. Mais là, des difficultés inouïes
                nous attendaient. Plusieurs rapides se rencontraient le long
                de son cours. C’est alors qu’il fallait « débarquer » nos traî­
                neaux et faire d’immenses détours sur la neige molle, pour
                contourner ces rapides. C’est ainsi que nous fîmes plus de
                600 kilomètres soit sur la glace, soit sur la neige et que nous
                arrivâmes à Dawson City fyla fin de décembre 1896, exténués,
                rompus, mais soutenus par une volonté de fer... ou plutôt...
                d’or. Ce Dawson City était le point de départ des prospecteurs
                que nous allions suivre, pour tâcher de prendre aussi notre
                part du gâteau.
                  Heureusement que nous avions des vivres et outils en
                abondance, car à Dawson City, qui ne faisait que naître, nous
                n’aurions absolument rien trouvé à n’importe quel prix.
                Cette ville, qi i devait devenir florissante, était à cette époque
                composée de quelques tentes et huttes de branchages, mais
                se trouvait en 1896 dans le même état embryonnaire que le
                village de Much Channel à l’époque des Guichon-Giroux ’
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