Page 57 - Vincent_Delavouet
P. 57

— 49 —


                               Chapitre XVIII
                             Au Klondyke (Yukon)

                                                     Hiver 1896.
               Arrivés à Dawson City, il nous fallut chercher*une cahute
             pour abriter nos marchandises et nous-mêmes, ce qui fut
             relativement facile, en y mettant le prix. Puis nous voilà
             explorant les environs, et remontant même jusqu’à 30 kilo­
             mètres au nord pour repérer une place aurifère.
               Pendant ce temps, l’un de nos compagnons, le moins
             robuste d’entre nous, nous proposa de nous vendre sa part
             de marchandises, et nous quitta pour aller travailler chez
             les autres, estimant que des journées payées 16 dollars
             étaient bonnes à prendre, et peut-être plus certaines que ce
             que nous pourrions découvrir. Il faut ajouter qu’à cette époque
             les ouvriers travaillant pour le compte de particulier, non
             seulement gagnaient au moins 80 francs par jour, mais
             pouvaient compter sur une plus-value de 120 francs de
             « gratte » qu’ils obtenaient en subtilisant adroitement quel­
             ques imperceptibles pépites d’or provenant du lavage.
             Cette « gratte » était connue et admise alors. Donc, nous ne
             restions plus que quatre hommes, déterminés, courageux,
             remplis de bonne volonté, mais ayant à lutter contre un
             climat excessivement rigoureux et une nuit presque! totale
             pendant l’hiver.
               Il faut avoir été dans ces pays de désolation pour se faire
             une idée de ce que sont le climat et les mœurs des habitants.
               Qu’on se figure une étendue immense, glacée, des froids
             atteignant jusqu’à 55 et 60° Fahrenheit. Une nuit noire,
             opaque, durant les mois d’hiver nuit et jour, la nuit, toujours
             la nuit ! Quelques lanternes pour les privilégiés ; d’autres, se
             servant de torches de résine, et c’est ainsi et avec ces moyens
             rudimentaires que l’on vaquait à ses occupations... en plein
             jour !
               Quant aux habitants du pays, il y en avait de deux sortes
             bien distinctes : 1° les indigènes-esquimaux ; 2° les pros­
             pecteurs et étrangers venus à la découverte. Les relations
                                                               4
   52   53   54   55   56   57   58   59   60   61   62