Page 53 - Vincent_Delavouet
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               Voici comment je fus récompensé de ma bonne action :
             A mon retour de voyage, je trouvai ma maisonnette habitée
             par un Italien, qui trouva étrange mon irruption chez lui !
               Mon locataire cuisinier avait mis à profit mes quelques
             jours d’absence ; avec la même rapidité que j’avais employée
             pour en faire l’achat, il se fabriqua un faux titre de propriété,
             signé de moi et vendit séance tenante, au premier venu, la
             maisonnette et son contenu !
               Il eut même l’audace de m’emporter mes vêtements et
             effets personnels, ce qui fait que je me trouvai démuni de
             tout !
               Heureusement que mon argent et mes papiers étaient en
             banque. Lorsque j’allai conter ma mésaventure au « shérif »
             de l’endroit, on ne put me donner, comme consolation, que
             l’assurance de coffrer mon voleur et de le faire condamner
             aux galères comme faussaire. Quant à attaquer mon suc­
             cesseur en nullité de vente, il n’y fallait pas songer, les
             choses avaient été régulièrement faites ; cet Italien avait
             payé comptant et de bonne foi, impossible de le déposséder !
             d’autant plus que je n’avais pas encore payé les contribu­
             tions, et que cette cabane était construite sur un terrain ne
             m’appartenant pas.
               Décidément, la déveine me poursuivait; aussi je résolus
             de reprendre mon premier métier de colporteur qui, lui,
             au moins, m’avait donné toute satisfaction.
               Avant de partir du pays j’allai prendre congé d’un excel­
             lent camarade, celui-là également Français, mais qui me
             témoigna toujours la plus grande amitié désintéressée.
               Je le présente ici au lecteur, car j’aurai l’occasion d’en
             reparler par la suite : M. Antoine Céçillon, de Bénaus (Ain).
               D’un caractère très doux, n’ayant aucune ambition, il se
             contentait de travailler à la journée dans ces mines de cuivre
             de Rosland.
               Nous nous quittâmes donc avec grande émotion de part
             et d’autre, en nous promettant de nous écrire fréquemment
             en attendant l’Exposition de 1900.
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