Page 54 - Vincent_Delavouet
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                                    Chapitre XVII
                                 Deuxième expédition

                   Vers le printemps de 1895, las de rester inactif, je résolus,
                 faute de mieux, de me remettre à faire le colporteur, avec
                 cette fois un bon choix de coutellerie et de bijouterie. C’est
                 ainsi que je fus amené, de par les hasards de mes pérégrina­
                 tions, à refranchir les Etats-Unis et, dans un pays nommé
                 Spokan, j’assistai certain dimanche, dans l’après-midi, à des
                 conférences en plein air organisées par des sectes protes­
                 tantes. A un carrefour de quatre routes, je me trouvai en
                 présence de quatre prédicateurs de sectes différentes, tenant
                 et attirant chacun le plus d’auditeurs possible à chacun des
                 quatre coins de ce carrefour. Le plus bizarre était que le
                 groupe formé par « l’armée du Salut » était muni de tambour
                 et instruments de cuivre, dont il lançait des appels
                 stridents, pour couvrir la voix et même le piano mécanique
                 d’un autre pasteur, qui se servait de ce moyen pour attirer
                 la foule auprès de lui. Et le plus curieux était la gravité des
                 badauds attirés par tout ce bruit, suivant gravement cette
                 joute oratoire et surtout bruyante.
                   Je ne vois rien de bien intéressant que je n’aie déjà narré,
                 sur la vente que je fis de mes articles de bimbeloterie pen­
                 dant cette année 1895 et même une partie de 1896.
                  Mais, dès le commencement de cette année 1896, le bruit
                 se répandit dans la région, puis dans le monde entier, que
                l’on venait de découvrir de nouveaux gisements aurifères au
                Canada, frontière de l’Alaska, près d’une rivière qui
                devint célèbre : le Klondyke ! Ce fut une ruée ! En ce qui
                me concerne, 'ce que je craignais arriva ! A force d’entendre
                parler autour de moi« d’or ramassé à la pelle », cette maudite
                fièvre de l’or me reprit. J’oubliai tous mes déboires passés,
                d’autant plus que, me trouvant à cette époque (été de 1896)
                à Seattle, sur la frontière canadienne, je m’y rencontrai avec
                d’anciens prospecteurs, que j’avais connus lors de ma pre­
                mière expédition du Fraeser et qui, attirés comme les autres
                par cet éblouissant mirage, se rendaient directement aux
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