Page 52 - Vincent_Delavouet
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précis ; je ne voulais me lancer qu’à coup sûr. Puis, je
                  trouvai à acheter, pour une très modique somme (soixante
                  dollars environ), une cabane toute meublée, dans laquelle
                  je pus enfin me reposer un peu de tous mes voyages précé­
                  dents et réfléchir sérieusement sur quelle voie j’allais m’ai­
                  guiller.
                    J’appris donc que, pour extraire utilement le cuivre, il
                  fallait faire fondre la roche, qu’il me fallait exposer de gros
                  capitaux pour un bénéfice incertain ou, en tout cas, bien
                  inférieur à ceux des mines d’or. Et, devenu méfiant par mon
                  échec précédent, je préférai m’abstenir et attendre les événe­
                  ments.
                    Le lecteur voudra bien me permettre de lui donner quel­
                  ques détails sur ma maisonnette et sur la façon dont j’en
                  devins le propriétaire ; cela lui soulèvera un coin du voile
                  des mœurs yankees.
                    Cette maisonnette avait été grossièrement construite de
                  bois non équarris avec, pour boucher les vides, plus de terre
                  glaise que de ciment. Elle appartenait alors à un prospec­
                  teur de cuivre, qui voulait quitter le pays. Une heure à peine
                  suffit pour conclure le marché, car on est expéditif dans ces
                  pays neufs, et l’on ne s’embarrasse guère de paperasseries
                  (peut être même pas assez). Nous convenons donc du prix,
                  avec les meubles rudimentaires la garnissant. Un simple
                  papier, nos signatures; et l’affaire était faite.
                    Il n’y avait pas six mois que j’en avais pris possession,
                  qu’un soir, un individu, Français, vint me trouver, me
                  raconta ses malheurs et misères et me demanda d’avoir
                  l’humanité de le recueillir quelques jours, en attendant
                  qu’il puisse trouver une situation dans son métier de cuisi­
                  nier.
                    Emu de compassion, je le recueillis et lui donnai même
                  l’occasion de s’acquitter envers moi, en me servant de ses
                  talents de cuisinier pour me faire mes repas, que nous parta­
                  gions ainsi en commun. Et cela me faisait une agréable
                  compagnie.
                    Sur ces entrefaites, j’eus à m’absenter quelques jours,
                  confiai donc ma bicoque à ce compatriote, en lui laissant ce*
                  qu’il fallait pour se nourrir pendant mon absence.
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